Un cauchemar de restaurant…

Vous décidez de partir en affaires, mais pas dans n’importe quel domaine, plutôt dans les services. Vous avez un certain talent pour la cuisine et vous aimez bien manger, alors vous ouvrez un restaurant. Et pas dans n’importe quel quartier, vous choisissez le Vieux-Limoilou, parce que c'est un coin dynamique. Vous choisissez de vous y établir par coup de cœur...

Un cauchemar de restaurant… | 5 novembre 2013 | Article par Dominic Champagne

Crédit photo: Dominic Champagne

Vous décidez de partir en affaires, mais pas dans n’importe quel domaine, plutôt dans les services. Vous avez un certain talent pour la cuisine et vous aimez bien manger, alors vous ouvrez un restaurant. Et pas dans n’importe quel quartier, vous choisissez le Vieux-Limoilou, parce que c’est un coin dynamique. Vous choisissez de vous y établir par coup de cœur…

Alors vous trouvez un local sur la 3e Avenue, ne reste qu’à le rénover. Vous avez été chanceux, l’emplacement est idéal et non loin de nombreux services. Votre père à la retraite vient vous aider pendant les travaux. Vous avez le cœur à l’ouvrage et les travaux vont bien. Cependant, le troisième jour, un inspecteur de la Commission de la construction du Québec vous poursuit pour  1000 $ parce que vous n’avez pas le droit de faire des travaux dans votre propre restaurant. Un an plus tard, suite à moult démêlées, un passage en cour et après avoir dépensé près de 500 $ en frais d’avocat, vous gagnerez cependant votre cause.

Vous êtes stupéfait d’apprendre qu’il vous faut deux permis d’alcool : un pour la terrasse et l’autre pour la salle à 584 $ chacun. Vous devez avoir deux plans : un pour la terrasse et l’autre pour l’intérieur. Vous devez aussi payer 75 sous supplémentaires par place sur votre permis d’alcool. L’ouverture d’un dossier à la régie coûte 247 $ et vous devez soumettre un plan de votre restaurant dessiné par un architecte. Il en coûte 1000 $ minimum, puisque les architectes doivent se déplacer et faire des relevés de votre restaurant. Vous devez aussi vous prémunir d’un permis de préparation général de 303 $ au MAPAQ, plus les frais d’ouverture du dossier de 117 $, et suivre deux formations de deux jours : une de gestionnaire pour l’hygiène et la salubrité des aliments (100 $ à 200 $) et l’autre de santé sécurité au travail. Finalement, vous devez aussi vous prévaloir d’un module de vente à 2000 $.

Vous n’êtes pas très habitué à remplir des formulaires, mais c’est le prix à payer pour que vos clients puissent apporter leur vin. Vous avez des questions pour remplir les nombreux formulaires et vous devez appeler souvent à la régie. La musique de la mise en attente vous tape sur les nerfs parce que vous attendez au moins dix minutes à chaque fois. Vous ne pensiez pas que notre bureaucratie gouvernementale était si lourde.

En lisant  la trousse de démarrage virtuelle du MAPAQ pour les nouveaux exploitants, vous êtes happé par le règlement sur l’interdiction relative au gant de Latex qui se trouve à l’alinéa 2.2.3.2 et qui stipule que :

« Le port de gants faits ou saupoudrés de latex par toute personne visée au premier alinéa de l’article 2.2.3 dans une conserverie, un établissement, un lieu ou un véhicule visé à l’article 33 de la Loi est interdit (…) »

Vous ne baissez pas les bras et ouvrez votre restaurant un mois plus tard. Disons que c’est un restaurant de moules-frites, parce j’aimerais en avoir un à  Limoilou. Votre restaurant est au rez-de-chaussée d’un bloc de trois condos. Très rapidement, la voisine du haut, bien que votre plafond soit élevé, vient vous dire qu’elle n’aime pas le bruit de la musique, la vaisselle et les senteurs de friture.

Vous baissez le son vers 20 h chaque soir, mais un jour, un inspecteur de la ville cogne à votre porte et découvre que votre hotte n’est pas conforme, vous devez en acheter une nouvelle et payer pour l’installation. Aussi, il découvre qu’on ne vous a pas encore installé de valve anti-retour pour l’eau. Vous devez payer autour de 2500 $ incluant l’installation. Avec tous ces frais, vous ne pouvez vous permettre de vous payer un salaire, seulement ceux de vos employés. Vous avez confiance que d’ici un an, vous puissiez sans doute vous payer convenablement. MAIS!

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La commission d’urbanisme vous envoie une lettre attestant qu’il faut vous prémunir de garde-corps pour votre terrasse. Encore une fois vous devez faire dessiner des plans par un architecte qui sont conformes avec le design urbain de votre quartier. Pourtant, vous regardez les terrasses aux alentours et il ne semble y avoir aucune uniformité. Aussi, puisque votre terrasse emprunte un peu l’espace du trottoir de la ville, vous devrez payer un loyer. Vous faites dessiner les plans et les soumettez à la ville. Entre-temps, un de vos amis vous informe qu’une connaissance fabrique des garde-corps beaucoup moins cher. Ils cadrent assez bien avec le reste du bloc, alors vous y allez et sauvez 5 000$. Vous n’auriez pas dû.

L’inspecteur de la Ville vous envoie un avis de mise en suspens de la commission d’urbanisme :

« La commission juge que le garde-corps installé est un modèle inadéquat pour un café-terrasse puisqu’il correspond davantage à un garde-corps de balcon résidentiel (…) »

Aussi, l’on vous informe que votre enseigne au néon est inadéquate et que les enseignes doivent maintenant être éclairées par rétroprojection. Plus tard, vous recevrez un avis de non-conformité qui vous donne 10 jours pour refaire une proposition de rampe de terrasse et là, c’en est trop. Vous rencontrez vos employés et un mois plus tard, vous mettez la clé dans la porte.

Cette histoire est inspirée d’évènements que trois restaurateurs du quartier ont vécus. Je les ai rassemblés pour faire un portrait de la situation et montrer comment il est difficile de survivre en restauration. Environ sept restaurants sur dix ferment la première année. Et c’est neuf sur dix après seulement trois ans. Il faudrait peut-être penser à faire quelque chose de concret pour eux afin de leur faciliter la vie? Ce sont des gens qui veulent juste nous donner de l’amour finalement. Mais l’amour se paye à fort prix en restauration. J’aurais pu rajouter d’autres aventures mais on va dire que ça finit d’même. Mes trois restaurateurs, eux, n’ont pas encore laissé tomber.

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