La maison Stuart, patrimoine national
S’il y a un terrain dans le quartier Montcalm qui est jalousé par plus d’un, la maison Henry-Stuart l’occupe depuis longtemps. C’est donc au 82, Grande Allée Ouest, coin avenue Cartier, que cette magnifique maison est située.Reconnue comme lieu historique national du Canada, ce cottage Regency a été entretenu fièrement grâce à la conviction et à la persévérance de France Gagnon Pratte, de Marie Nolet et de Louise Mercier. Le cottage est blotti dans un luxuriant jardin à l’anglaise et demeure l’un des rares témoins d’un type d’architecture résidentielle rurale répandu à Québec entre 1830 et 1870.La visite de cette demeure, construite en 1849, nous plonge dans l’ambiance raffinée du mode de vie de la bourgeoisie du début du vingtième siècle. Après le décès d’Adèle Stuart le 27 octobre 1987, le ministère de la Culture et des Communications du Québec, en vertu de la Loi sur les biens culturels, classe la maison et le jardin en 1988 à la suite des recommandations d’Action patrimoine – dénommé à l’époque Conseil des monuments et sites du Québec et présidé par France Gagnon Pratte.Dans un contexte où le développement urbain s’accélère, cette mesure assure la protection d’un bâtiment à l’architecture typique. Le mobilier et les objets, dont certaines pièces maîtresses ont été transmises par la famille Stuart de génération en génération, sont protégés à leur tour en 1990. Ce classement d’un ensemble indivisible est alors unique au Québec et le jardin privé est le premier à être classé dans la province.L’intérêt d’avoir préservé ce patrimoine sera confirmé lorsqu’en 1999, le gouvernement fédéral désignera la maison Henry-Stuart lieu historique national du Canada. Le classement impose donc aux propriétaires d’entretenir la propriété afin d’en assurer la pérennité. En 1991, la maison est acquise par les Développements Ruel et Pettigrew. Ces derniers s’entendent avec Action patrimoine qui loue la maison, y loge son siège social et prend en charge la direction des travaux de restauration dès 1991.La structure du bâtiment et de l’annexe est conservée telle quelle. Grâce aux photos prises par France Gagnon Pratte en 1980 et à l’inventaire réalisé lors du classement, le décor des quatre pièces principales du rez-de-chaussée, voué à devenir un musée dès 1993, est parfaitement restitué. Tapisseries, tapis, meubles, objets, tableaux, tout a retrouvé sa place pour charmer et surprendre le visiteur touché par l’âme de la maison.Bien sûr, le jardin fait aussi l’objet d’un plan de restauration important. Mais en 1991, c’est d’abord d’un véritable sauvetage, supervisé par Marie Nolet, architecte paysagiste, dont il est question afin d’éviter la disparition des végétaux menacés par des travaux d’excavation. Depuis 1991, Action patrimoine compte sur le travail de bénévoles qui, saison après saison, participent à l’enrichissement et à l’entretien des différentes parties de ce magnifique jardin.Les caractéristiques architecturales du cottage expriment la volonté de maintenir un contact entre le bâtiment et le paysage. Ainsi, la maison Henry-Stuart, dont la façade est recouverte de brique d’Écosse, est ceinte d’une galerie couverte, prolongement judicieux de la maison vers l’extérieur. Quant aux quatre portes-fenêtres qui encadrent la porte d’entrée, elles offrent une vue sans pareille sur le boisé, permettent d’accéder directement des pièces à la galerie et laissent pénétrer la lumière naturelle.
Un décor intact
En matière de décor, la famille Stuart ne cèdera jamais aux modes. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, le visiteur ébahi peut contempler cet environnement demeuré intact. Le décor s’inspire du style britannique Adam, style perceptible dès le hall d’entrée avec, entre autres, une imposte en trois parties, par où s’infiltre la lumière, et les chambranles des portes ornés de moulures sculptées de rosaces. Ce hall dessert le salon, la salle à manger, le boudoir – cher à Adèle – et la chambre à coucher principale, qui est celle du couple que formaient Mary Stuart et John Ross Strang. Le hall se termine par une cloison polygonale dont la porte centrale s’ouvre sur le couloir de service donnant accès aux pièces des domestiques. C’est aussi dans ce couloir qu’est situé le sobre escalier donnant accès à quatre chambres, dont deux étaient occupées par Mary O’Meara et Adèle.En 1920, mère et filles font peindre et tapisser la maison en optant pour des tons mordorés qui, conciliés aux tapis persans, aux gravures, aux porcelaines et aux tableaux anciens, confèrent aux pièces chaleur et raffinement. Avec ses quelque 2 000 pièces, la collection de biens mobiliers de la maison Henry-Stuart est forcément éclectique. Certains biens proviennent du manoir de l’aïeul Philippe Aubert de Gaspé, seigneur de Saint-Jean-Port-Joli et auteur célèbre; d’autres éléments – comme la table aux pieds de lion – décoraient initialement la villa Meadow Bank propriété de leur oncle Gustavus George Stuart sise sur le chemin Saint-Louis.De leurs nombreux voyages effectués au printemps, elles rapportent aussi des objets chinés chez les antiquaires d’Europe. La collection de porcelaines d’origine chinoise, japonaise ou anglaise mérite à elle seule une visite. C’est aux pièces d’argenterie, tel le service à thé, que revient l’honneur de porter les armoiries et la devise des Stuart. Les meubles sont recouverts des ouvrages effectués par Adèle et Mary pour qui broder, tricoter ou coudre constitue une véritable passion.Les livres ne manquent pas non plus dans l’univers des Stuart. Adèle en lit au moins quatre ou cinq par semaine. Ciment de plusieurs générations, rescapés miraculeux des XIXes et XXes siècles, les biens mobiliers de la collection de la maison Henry-Stuart forment un ensemble unique qui comblera les amateurs d’histoire. Rien ne vaut une visite pour confirmer et admirer le tout.
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