Sauvageau Sauvageau – Un vague sentiment de frayeur
Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et le Théâtre Blanc nous convient, du 10 au 28 novembre 2015, à une pièce d’une rare intensité. Christian Lapointe, reconnu pour ses créations « d’une exigeante densité où la poésie, la mort et le réel se conjuguent », nous fait vivre une expérience théâtrale atypique dont il est difficile, voire impossible, de se sortir indemne.
La pièce se veut un hommage à l’homme, mais surtout au « génie dramatique » d’Yves Hébert Sauvageau, décédé prématurément à l’âge de 24 ans. Artiste aux multiples talents, ses projets s’inscrivaient dans une quête artistique et spirituelle non dénuée de souffrance. Ses excès essoufflèrent rapidement le jeune homme fragile qui finit par se suicider peu de temps après le décès de sa mère, survenu en juillet 1970 : « Faut-il voir dans ce geste un achèvement permettant de se libérer d’une fatigue à se battre dans un monde poussant à la conformité ? »Sauvageau Sauvageau c’est aussi un clin d’œil à son œuvre culte « Wouf Wouf » (1967), onomatopée mainte fois répétée pendant la pièce et que je comparerais phénoménologiquement au « Dehors novembre» de Dédé Fortin, un autre artiste québécois nous ayant lui aussi quitté prématurément.À la fois théâtre documentaire et musical, le texte est un savant bricolage de mots et d’extraits réagencés puis montés en dialogues entre Paul Savoie (Sauvageau vieux) et Gabriel Szabo (Sauvageau jeune). Tous les éléments de la mise en scène (bloc multifonctionnel, piano, montage vidéo) concourent à transporter le spectateur dans un état situé quelque part entre l’art et la maladie mentale, où l’ultra-lucidité flirte dangereusement avec la psychose. Nous ne sommes pas très loin des recherches sur l’art des fous de Breton, ou encore de l’art brut de Dubuffet.S’adressant à un public désireux de s’initier à la parole forte et tourmentée d’Yves Sauvageau, la pièce peut s’avérer aussi exigeante au spectateur qu’elle est essoufflante aux comédiens, et je pense notamment à l’interprète du jeune Sauvageau.Un homme à connaître et un théâtre à vivre, assurément!À l’affiche au Périscope jusqu’au 28 novembre.
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