Le bonheur de Bonnard

Pierre Bonnard - Intérieur Salle à manger
Pierre Bonnard – Intérieur Salle à manger

EXPOSITION / Pour la première fois au Canada, une grande exposition est consacrée à Pierre Bonnard, maître incontesté de l’art moderne du début du 20e siècle. L’exposition qui regroupe une quarantaine de tableaux provenant de huit pays, dont un, qui n’a jamais été exposé dans aucun musée ainsi qu’une sélection d’estampes et de photographies, nous entraîne dans une déferlante de couleurs estivales au bord de la méditerranée après un passage par Paris.

La conservatrice en chef du Musée national des beaux-arts du Québec, Line Ouellet en a rêvé pendant dix ans après un voyage en 2006 en France où elle découvre la rétrospective consacrée à Pierre Bonnard au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. « Je me suis sentie envahie par les couleurs et la grande sensibilité de l’artiste. Entre les couleurs qui vibrent et les détails qui apparaissent les uns après les autres on peut voir à quel point il était moderne », souligne madame Ouellet qui a même découvert un nouveau détail dans l’un des tableaux pendant l’entrevue alors que nous étions assises en face.Et lorsqu’on découvre l’exposition, on peut la comprendre. La première chose qui frappe lorsqu’on regarde les tableaux de Pierre Bonnard est la capacité de l’artiste peintre à jouer avec les reflets et les détails. Bonnard ègalement photographe reproduit dans ses tableaux des scénarios réservés à la photo comme le cadrage serré, le raccourci perspectif et la vue plongeante. Il faudra à la fois vous éloigner et vous approcher pour apercevoir tous les détails. Un détail qui vous parait flou deviendra clair selon l’endroit où vous êtes placés comme dans Paysage du Midi et deux enfants. Certaines œuvres vous donneront même l’impression qu’un second tableau a été peint à l’intérieur du tableau ou qu’il n’est pas fini. Vous remarquerez également un fil directeur avec la couleur rouge que l’on retrouve quasiment dans tous les tableaux. Cela va du chemisier rouge de Marthe à un simple trait rouge comme dans Paysage d’automne.

La jeunesse parisienne

La carrière de Pierre Bonnard commence à la fin du 19e siècle, à une époque où Paris vit un renouveau. La jeunesse artistique parisienne  dont Bonnard fait parti veut changer les choses par rapport à la vision de l’académie.pierre_bonnard_pont_du_carrousel« La découverte de l’œuvre de Gauguin est le point angulaire qui va amener la création du mouvement des nabis où on sonde ce renouveau de la peinture pour aller vers un art total et les moyens de la peinture », explique la commissaire de l’exposition Jacqueline Munck et conservatrice en chef du patrimoine au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.Le jeune peintre puise son inspiration dans la vie parisienne, ses boulevards, ses cafés et ses résidents. Pierre Bonnard a un gout prononcé pour le décoratif. On a aussi l’impression que les personnages de ses tableaux (Pont du Carrousel) sont en mouvement.

Les scènes d’intérieur

Peu à peu, l’artiste français délaisse l’esthétique nabie et réalise des compositions plus intimistes où il met en scène ses proches dont Marthe, sa compagne pendant 50 ans dans des intérieurs domestiques.Des récurrences apparaissent dans ses tableaux comme une table en plongée, des convives, un fond imprécis et un plafond non visible (Le petit déjeuner). Bonnard intègre à ses intérieurs à partir des années 20, une fenêtre, une porte ou une d’autres ouvertures qui donnent sur une terrasse ou un paysage plus lointain.On peut apercevoir également dans les tableaux des miroirs qui brouillent les formes et les proportions. L’intérieur, l’extérieur, le proche et le lointain se mélangent et un dialogue s’installe (La Porte-Fenêtre).

Le nu

Un autre thème cher à Pierre Bonnard, le nu. Dès 1906, celui-ci commence à composer des archétypes. Le corps de Marthe deviendra l’un de ses archétypes la peignant sans arrêt comme une jeune femme malgré les années qui passent. Ses personnages sont debouts. Il s’appuie sur les verticales (Nu à la lumière).Par ailleurs, on a l’impression que le modèle pose, mais en fait non. Les modèles de Pierre Bonnard sont tout le temps en mouvement. Il prend des notes et des photos et puis il crée le tableau. Le peintre approche son modèle en gros plan dans un moment intime de son quotidien.

La vibration des couleurs et l’hymne à la méditerranée

En 1909, Pierre Bonnard découvre la vive lumière de la méditerranée. Il s’installera d’ailleurs dans le sud de la France quelques années plus tard où il peindra des tableaux qui mettent en valeur les couleurs vives et estivales de la Côte d’Azur.pierre_bonnard_paysage_du_midi_et_deux_enfantsPendant toute cette période, Bonnard développe une palette où les objets perdent graduellement la netteté et leurs contours. Il exploite les qualités expressives de la couleur tout en gardant un œil attentif aux êtres et aux choses. C’est le « premier pas vers l’abstraction » selon Line Ouellet.L’artiste par son travail aboutit à une fabuleuse transfiguration du réel, transformé par une lumière d’une intensité éblouissante. De quoi vous réchauffer dès que les premiers froids de l’hiver vont arriver.Pierre Bonnard La couleur radieuse est proposée jusqu’au 15 janvier 2017 au Musée national des beaux-arts du Québec.Le catalogue : Réalisé par Jacqueline Munck, Pierre Bonnard, la couleur radieuse, se veut une incursion dans l’intimité de l’artiste et de son processus créatif. De très belles photos issues des centaines d’œuvres de Pierre Bonnard illustrent le catalogue. Vous y trouverez entre autres les années nabis et parisiennes, une séquence consacrée à sa compagne Marthe et les paysages du Cannet. Le livre est en vente à la boutique du musée au prix de 39,95 $.

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