Parfois, la nuit, je ris tout seul – voyage au lieu du cœur
Accueillie par Love me tender puis par Blue Moon, assise dans le noir, je me laisse influencer par ces douces et berçantes mélodies, au petit bonheur la chance, qui réchauffent mon cœur en cette soirée pluvieuse. Production du Théâtre de la Marée Haute, inspirée des écrits de Monsieur Jean-Paul Dubois, interprétée et mise en scène par Michel-Maxime Legault et Marcel Pomerlo, la formidable pièce Parfois, la nuit, je ris tout seul, profonde, sensible, ne pourra que vous émouvoir.
J’observe les alentours, assez sobres : lumières aux halos carmin, comme autant de feux qui rassurent, et la silhouette de ce que l’on devine être un piano recouvert d’une soie grenat. D’ores et déjà, mon rythme respiratoire s’apaise pour faire place au bonheur de savourer une fois encore une performance qui m’est dans l’instant inconnue, dont j’ai le plaisir de vous décrire les impressions.Un rock n’roll enjoué immisce en mon âme de jiveuse l’envie d’esquisser quelques pas de danse sautillants et je me glisse dans l’attente comme dans une crinoline. Le frétillement m’éveille et je me languis de ce que je vais découvrir. Vers quel univers, par quelle nuée les comédiens vont-ils me transporter ? Rien ne laissait présager les émotions qui allaient me chavirer ni cette introspection sentimentale à laquelle je fus conviée.Deux énergumènes entrent en scène, vêtus de moult épaisseurs vestimentaires, dont l’apogée prend l’apparence de deux énormes manteaux de fourrure dont les épaules sont secouées de rires nerveux. Soudain : silence. Il me semble sentir l’âme des comédiens dans la clarté de leur iris. « J’ai l’impression d’aller plus vite que la vie ». Le ton est donné.Comme autant de pelures-barrières qu’ils laissent tomber, deux êtres nous livrent des pensées d’une profondeur philosophique. Et d’entrée de jeu, des questions, des impressions aussi fortes qu’une lame de fond montent en moi : ne vous est-il jamais venu la presque intolérable envie de muer ? De changer de vie ? Est-ce suffisant de n’avoir que l’impression d’être vivant, de regarder la vie de haut, comme le filet d’un ruisseau, sans y tremper les lèvres ? N’est-il jamais né en vous l’idée que tout ce que vous avez fait jusqu’ici n’était que façade, mensonge, inutilité ou incohérence ? Êtes-vous réellement en concordance avec votre véritable nature ? Sans masque ? Sans édulcoration de vos valeurs, de vos sentiments, de vos désirs ? Avez-vous quelques fois la sensation que votre vie est vide ? Qu’il serait temps pour vous de disparaître, de vous fondre dans une mer de mélancolie, ou au contraire d’émerger, fort et libre, convaincu de l’extraordinaire beauté de l’existence ?Parfois, la nuit, je ris tout seul tangue du côté de la tristesse, de la mélancolie, mais nous insuffle également un irrépressible désir de bouillonnement célébrant une existence qui goûte vrai. Elle se veut une ode à la poésie à laquelle nous choisissons d’adhérer afin de laisser fleurir chaque instant, de leur donner une saveur, d’en saisir l’essentiel.La mise en scène, simple, astucieuse et imagée, nous ouvre les portes de pans de vie dans lesquels nous nous installons comme dans un souvenir et les nombreuses chansons aux riches paroles nous entraînent dans une valse tourbillonnante.C’est avec une infinie tendresse que j’ai accueilli ces mots lumineux, parfois difficiles à entendre, amoureusement susurrés.Quelle saveur désirons-nous donner à cette seule et unique vie qui est la nôtre, durant l’éphémère durée de celle-ci ? Puisque nous n’en avons qu’une, quelle danse se doit de la symboliser ?Parfois, la nuit, je ris tout seul est présentée jusqu’au 19 novembre 2016 au Théâtre Premier Acte.
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