[Mal]heureuses ou l’autre côté du mal
Nous sommes invités à nous asseoir face à face. La scène se trouve entre nous, ce qui augmente considérablement le degré d’intimité et de proximité. Présentée depuis une semaine au Théâtre Premier Acte, [Mal]heureuses, nous plonge dans un rappel des horreurs en Syrie.
Le décor est précis; tout sert bien sa place. D’un côté, un secrétaire et un tableau deviendront salle de classe ou bureau de Manuel, enseignant mais aussi écrivain biographique. De l’autre, un appartement : lit, commode, table de cuisine nous invitent à faire incursion dans le quotidien des personnages. Des jeux de miroirs nous permettent d’observer le reflet de ceux-ci.
Des projections sur un écran, une toile ou sur le sol soulignent à grand trait des faits historiques ou nous offrent des pensées ou des images, servant avec originalité et justesse le propos.Plusieurs protagonistes, interprétés avec brio et habileté par quatre comédiens, se côtoient lors de cette histoire en chassé-croisé : Manuel, sa mère, son amoureuse Caroline, ainsi que son assistante de recherche, Benito Mussolini et sa maîtresse et conseillère politique Margherita Sarfatti, Bachar et Asma el-Assad, Nicolae et Elena Ceausescu.
Marie-Ginette Guay, dont le jeu est investi, pimpant et énergique, incarne le personnage d’Elena, mégalomane à l’extrême. Sophie Dion, suave, sensuelle, campe à merveille une Margherita forte, intelligente et convaincue. Marie-Hélène Lalande est touchante dans sa délicatesse et sa sensibilité et Gabriel Fournier incarne avec crédibilité des individus que nous aurions parfois envie de gifler.
Les textes d’Élodie Cuenot, intelligents, recherchés, brisent des tabous tandis que sa mise en scène, bien ficelée, est tour à tour tragique, humoristique, émotive et intellectuelle. « L’histoire est une boucle, tout finit par se reproduire. » « D’autres femmes amoureuses, diplômées, passionnées, engagées suivront. »
Mères contrôlantes, femmes obsessives, intransigeantes, catégoriques, tantôt trahies, tantôt espérantes, certaines iront jusqu’à se perdre par amour de l’homme ou de la patrie, dans ce jeu qui les dépasse.
Femmes de convictions et de sacrifices, fines stratèges ou démagogues, ces ombres qui se tiennent derrière leurs acolytes masculins pourraient bien avoir été celles qui tiraient les ficelles.
Une présence féminine adoucit-elle les mœurs en politique? Au regard de ce que nous révèlent les faits historiques présentés dans [Mal]heureuses, rien n’est moins sûr.
[Mal]heureuses est à voir au théâtre Premier Acte jusqu’au 22 avril 2017.
Pour en savoir plus ...
870, avenue de Salaberry, Québec (Québec), G1R 2T9
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