Savoir d’où l’on vient sans savoir où l’on va

Attentat_Piece_Theatre_Periscope

La pièce Attentat, présentée au théâtre Périscope et mise en scène par Gabrielle et Véronique Côté, rassemble 49 extraits de poèmes québécois. Une ambiance rustique ornée de billots et de cordes de bois, de raquettes, de chaises antiques et de bois de cervidés nous accueille et nous sentons déjà que nous ferons incursion vers nos racines.

Puis, tel un crachat au visage de la poésie, nous sommes bombardés de passages audio agressants d’un animateur de radio-poubelle trop connu et le trouble s’installe en nous.Depuis quelques années, nous voyons émerger un théâtre du « cri », engagé, loyal à des valeurs de rejet de la société de l’absurde actuelle, du petit peuple crédule ordinaire et des intellectuels de pacotille, à tripes ouvertes, à cœur blessé, en quête de sens.Celui-ci monte pour se déverser en cascade, hérissé de questions sur notre provenance, notre appartenance, notre mode de vie asynchrone et sa rapidité, sa surconsommation, son détachement malsain aux valeurs d’ouverture, d’altruisme, de connexion à nos racines. Il peut se résumer ainsi : souvenons-nous d’où nous venons, soyons fiers de nos racines québécoises, ayons honte du peuple mou que nous sommes en train de devenir. « J’ai grandi dans un chagrin, dans une histoire que l’histoire ne reconnaît pas ».Le texte « Fuck you » pose un geste de résistance assumé, tandis que « Nous sommes des êtres forts », « Nous », « Entends-tu étranger » et « Séquences » sont porteurs de merveilles de ce qui nous a faits « incommensurablement forts et incapables d’assumer cette puissance » tout en ayant « soif de sacré, de monumental ».Bien que plusieurs textes soient magnifiques et qu’ils fassent naître en nous un désir d’essence joyeuse, par des mots riches et porteurs de sens, par les liens faits à la terre, une envie de refus des dictats sociétaux, gouvernementaux, une émancipation de ce peuple qui devrait être fier, l’interprétation, fade, nous empêche d’y croire. Cependant, notons la prestation remarquable de Guillaume Perreault, qui était plus dans le ressenti que dans le paraître.La mise en scène, clichée, est prévisible et, malheureusement, hormis pour l’analogie des craquements enneigés à la raquette sur les sacs de papier et la poudreuse qui en jaillissait, ou les jeux de mains dans les faisceaux lumineux, je n’y ai rien vu d’original ni d’innovateur, et je dois dire que j’en suis restée sur ma faim.Verbe du sauvage, du sacré des mots de notre mémoire collective, de notre nature glaciaire, Attentat invite à « obéir à la déraison » et propose une fierté de ce que nous sommes confrontant notre recherche identitaire en tant que peuple. Oui, j’entends ce cri, oui, je le ressens, l’accepte, et je comprends qu’un tel argumentaire soit nécessaire afin d’émanciper les esprits non encore initiés. Mais je me demande : eux comme moi, porte-étendards défricheurs, qu’apporterons-nous concrètement lors de cette restructuration sociétale nécessaire? Suite au cri, qu’y a-t-il? Je crois qu’il est temps de penser à la suite des choses et de nous pencher, non plus autant sur la dénonciation, toute utile et essentielle qu’elle soit, mais sur ce que nous voulons, en tant que peuple, mettre de l’avant afin de renverser la vapeur.La pièce Attentat est à l’affiche du Périscope jusqu’au 4 février.

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