Un décor triste et sans vie, une musique presque inexistante, nous entrons dans l’univers dégarni de Marie. Des dizaines de peluches nous fixent du regard, comme autant de témoins inertes, impuissants.
Celle qu’on pointe du doigt : tout autour la noirceur
Un décor triste et sans vie, une musique presque inexistante, nous entrons dans l’univers dégarni de Marie. Des dizaines de peluches nous fixent du regard, comme autant de témoins inertes, impuissants.
Vide d’un manque d’amour, provenant d’une famille dysfonctionnelle, sans guide, sans phare, sans filet de secours, Marie essaie de donner un sens à son existence.
Dépendante affective, vivant dans l’isolement et la précarité, elle doit arpenter seule ce sentier qui lui est imposé par la vie : la maternité. Ambivalente face à sa grossesse, elle décide tout de même de garder l’enfant pour qu’enfin quelqu’un l’aime. Mais la réalité la rattrape et le gouffre, inéluctablement, s’ouvre sous ses pieds.
« Fais de la magie… fais-en quelque chose de beau », lui conseille sa tante, seule figure significative pour Marie, qui l’abandonnera pour s’établir à 500 km d’elle.
Tout autour, enveloppante, étouffante, la noirceur. Au cœur du tumulte, ses cris d’alarme résonneront sans écho, et le déni dont fait preuve son entourage aura sans doute contribué à sa perte.
La pièce expose le réalisme d’un quotidien banal, sans éclat. Un récit comme on en lit trop souvent dans les faits divers. « Voyons, je ne comprends pas, c’est une bonne petite fille, tranquille, bien comme il faut! », diront les voisins.
C’est aussi une jeune femme instable, anxieuse, insécure, avec peu d’estime d’elle-même, ayant tenté plus mal que bien de casser la roue de la transmission de souffrance intergénérationnelle. Outre ce portrait, la pièce aborde également le thème de la dépression post-partum, dont personne n’est à l’abri.
J’ai particulièrement apprécié les performances crédibles de Marie-Pier Lagacé, qui incarne la nouvelle maman en crise dans toute sa complexité, et d’Anne-Marie Côté qui, dans le rôle de la roommate, nous permet d’entrevoir l’humanité sous la carapace. Éva Daigle et Linda Laplante exposent bien le côté clair-obscur des incarnations maternelles dans toutes leurs oppositions et leurs deuils respectifs.
La pièce Celle qu’on pointe du doigt soulève maints questionnements en moi. Peut-on faire tabula rasa et se permettre le bonheur par la suite? Une rédemption est-elle possible lorsque l’irréparable est commis? Est-ce que le manque de ressources et de soutien de l’entourage induit sa part de responsabilités? Quels sont les moyens qui auraient pu être mis en place pour éviter le pire?
Celle qu’on pointe du doigt, ça peut aussi être nous, un(e) de nos proches, une personne croisée dans la rue. Il est primordial d’accompagner un être en détresse dans l’ouverture, sans jugement, et de réaliser que le désespoir est un état second auquel la personne ne peut échapper sans aide. Une intervention rapide de professionnels de la relation d’aide est essentielle. Lançons la bouée qui pourrait sauver des vies!
Après la représentation du vendredi 5 octobre se tenait une discussion entre les créateurs et le public éclairée par la participation de deux intervenantes du Centre de crise de Québec. Si dans le propos de la pièce, vous vous reconnaissez, reconnaissez un membre de votre entourage, ou si vous tentez de venir en aide à quelqu’un, vous trouverez écoute, conseils et soutien adéquats auprès de tels organismes :
- Centre de crise de Québec 418 688 4240 (Québec) – sans frais 1 866 411 4240 (Portneuf et Charlevoix), 24h/24, 7 jours/7
- Entraide Parents soutien téléphonique 418 684-0050
Mise en scène par Simon Lemoine et Marie-Ève Chabot Lortie, écrite par Marie-Pier Lagacé, Celle qu’on pointe du doigt est présentée au théâtre Premier Acte du 2 au 20 octobre 2018.
Pour en savoir plus ...
870, avenue de Salaberry, Québec (Québec), G1R 2T9
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