Oblivion – Pleine conscience

Sur la scène, l’artiste Sarah Vanhee déploie méthodiquement les déchets conservés au cours d’une année. Des détritus anonymes, qui pourtant exposent un pan intime de cette année de sa vie.

<em>Oblivion</em> – Pleine conscience | 1 juin 2018 | Article par Marrie E. Bathory

Crédit photo : Phile Deprez

Sur la scène, l’artiste Sarah Vanhee déploie méthodiquement les déchets conservés au cours d’une année. Des détritus anonymes, qui pourtant exposent un pan intime de cette année de sa vie.

Les déchets organiques auront bien sûr dû être jetés, après avoir au moins été photographiés. Car un tel projet ne peut être parfaitement exhaustif : que faire des extrants corporels? Des ongles? Des cheveux? À quel moment ce que produit le corps ou s’en détache ne lui appartient plus? Et à quel moment un bien qui nous appartenait devient-il déchet?

Les choix que fait l’artiste, les règles qu’elle se donne au cours du processus mettent en lumière l’inconscience avec laquelle on se détache des emballages, papiers, bouteilles, produits d’hygiène, etc., qui pour ainsi dire disparaissent (mais sont enfouis ou incinérés quelque part, évidemment).

Consommation, production, propriété

Au-delà de la question de la consommation point une réflexion sur la propriété, sur les limites de soi – puis de l’œuvre.

Absorbé par la performance artistique, le déchet devient partie prenante de l’œuvre. Catalogué, il n’est dès lors plus déchet. De même, tout ce qui a contribué au processus de création, ou qui a été écarté du produit final, en fait en quelque sorte paradoxalement partie. Que les objets s’abiment au fil des représentations, que des faits mentionnés ne soient plus d’actualité au moment du spectacle, tout cela participe aussi de l’ensemble.

Indéfinition

C’est dire que les contours de la performance s’établissent difficilement. Au moment où le public entre dans la salle, Sarah Vanhee a déjà commencé à défaire ses boîtes et à étaler les objets au sol. Les gens s’assoient et, en l’absence de signal indiquant le début du spectacle, continuent de discuter, durant plusieurs minutes, tandis que l’artiste poursuit, imperturbable.

Il n’est en somme plus de frontière étanche entre performance et non-performance, comme entre propriété et non-propriété ou déchet et non-déchet. Révéler le caractère arbitraire de ces repères, comme des normes sociales en général, peut déstabiliser le spectateur non averti.

 

Une seconde représentation de Oblivion, dans le cadre du Carrefour international de théâtre, a lieu ce vendredi 1er juin, 19 h, à la Caserne Dalhousie.

Publicité

Pour en savoir plus ...

Soutenez votre média

hearts

Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.

hearts
Soutenir