Un poète dans la lumière

Une image vaut mille mots, un poème probablement mille images. Et les vases communicants entre les différentes formes d’arts – cinéma, littérature, arts visuels, danse, musique – tendent de plus en plus à s’affranchir de leurs clivages. C’est du moins le pari que s'est donné Yan Giroux dans son premier long métrage, À tous ceux qui ne me lisent pas : tisser la poésie à même la trame narrative d’un film.

Un poète dans la lumière | 23 novembre 2018 | Article par Catherine Breton

Yves Boisvert et Marc dans À tous ceux qui ne me lisent pas.

Crédit photo: Ian Lagarde

Une image vaut mille mots, un poème probablement mille images. Et les vases communicants entre les différentes formes d’arts – cinéma, littérature, arts visuels, danse, musique – tendent de plus en plus à s’affranchir de leurs clivages. C’est du moins le pari que s’est donné Yan Giroux dans son premier long métrage, À tous ceux qui ne me lisent pas : tisser la poésie à même la trame narrative d’un film.

Dans le cadre d’un atelier de cinéma présenté au Cégep Garneau le 21 novembre, on pouvait assister à une discussion fort intéressante menée par Gilles Pellerin, professeur au département de littérature, qui rencontrait Yan Giroux, réalisateur, et Guillaume Corbeil, coscénariste du film librement inspiré de la vie et de l’oeuvre d’Yves Boisvert, À tous ceux qui ne me lisent pas, qui sort en salle ce vendredi 23 novembre.

La liberté de créer

Tout l’intérêt de ce genre d’entrevue réside dans le partage du processus de création, un acte tout aussi personnel que complexe, pour lequel il n’existe aucune recette, à part le fait que la rigueur et le travail mènent souvent à la naissance d’oeuvres uniques. Sans l’avoir vu, je soupçonne que c’est le cas de ce film qui témoigne de la vie et de l’oeuvre du poète québécois Yves Boisvert.

Yan Giroux rapporte avoir été marqué, alors qu’il était jeune adulte, par l’oeuvre d’Yves Boisvert. À cette époque, son lien avec la poésie était puissant, assez pour lui donner l’envie de se commettre lui-même en vers et en prose. Mais rare sont les poètes qui vivent de leur art, et il est parfois nécessaire de prendre des chemins de traverse. C’est donc de la poésie que la fibre de cinéaste de Yan Giroux est issue.

On la voit très bien d’ailleurs, cette poésie, dans ses précédents courts métrages : Il faut que je parle à mon père, Synchro, Surveillant, Mi nina mi vida ou encore Lost Paradise Lost, qui a mérité récemment le Prix de la critique et le Prix de la meilleure direction photo au Gala Prends ça court!

Yan Giroux confiait, durant la discussion, que le choix des projets qu’il met en branle part toujours d’une intuition ou d’un sentiment de nécessité. Son désir de faire ce film de fiction remonte aux prémisses d’un documentaire sur Yves Boisvert que le cinéaste n’a pas pu concrétiser avant le décès du poète.

Mais comme la vie fait souvent bien les choses, l’occasion lui a été présentée de proposer un sujet de long métrage de fiction de son choix. Le germe était nourri, il ne restait qu’à l’encourager.

Pour l’épauler dans les dédales de la construction d’un scénario de long métrage, le cinéaste a fait appel à Guillaume Corbeil. Frayant tous deux dans le milieu littéraire à différents nivaux, Yan et Guillaume ne se sont pas nourris uniquement de la vie d’Yves Boisvert, mais aussi de leurs expériences personnelles pour agrémenter le scénario et faire avancer l’histoire sans que les coutures poétiques ne soient trop criardes.

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Bien qu’Yves Boisvert soit à lui seul un personnage plus grand que nature, le cinéma demande parfois de faire quelques tours de passe-passe pour arrimer le personnage à une trame narrative qui saura cimenter l’intérêt du spectateur. L’extrait qu’on a pu en voir est convainquant.

Il faut aussi noter la solide distribution composée de Céline Bonnier, Martin Dubreuil et Henry Picard.

Le synopsis

Toute sa vie, Yves a traîné sa valise chez qui voulait bien l’accueillir pour se consacrer entièrement à la poésie. Aussi charmeur que confrontant, il arrive comme une tempête dans la vie de Dyane et de son fils Marc, adolescent studieux qui se passerait bien de cet étranger dans le lit de sa mère. Mais l’esprit rebelle du poète est contagieux et pousse Marc à sortir des sentiers battus, alors qu’Yves s’enlise dans un quotidien trop petit pour lui. Il tentera de tout changer dans un dernier grand coup d’éclat avant de réaliser que seul au bout du monde, ses mots ne veulent plus rien dire.

Librement inspiré de la vie et de l’oeuvre du poète Yves Boisvert (1950-2012), À tous ceux qui ne me lisent pas raconte la quête d’absolu d’un homme qui devra s’ouvrir aux autres pour ne pas finir oublié entre deux livres de cuisine.

Pour vous convaincre de vous attarder à ce poète qu’était Yves Boisvert, soit par le biais du film de Yan Giroux ou par la lecture des nombreux recueils qu’il a publiés, voici un extrait de sa poésie.

« Je viens à vous, aimez-moi
avant la fin du monde
ai le monde se meurt
je pars avec lui

Aimez-moi, j’arrive à vous
afin de n’être pas étranger »

Le film sort en salle aujourd’hui, vendredi 23 novembre, au Clap à Québec. La première fin de semaine est décisive pour la vie d’un film en salle, alors si vous désirez donner du souffle à notre cinéma d’ici, faites-le ces prochains jours.

Un peu de poésie pour accompagner cet hiver précoce, même si elle dérange un peu, sera certainement réconfortante pour notre santé mentale à tous. En prime, à voir la bande annonce, le film n’est pas dénué d’humour.

Pour en savoir plus ...

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