Le café, ce produit négligé de la restauration québécoise

Collaborateur occasionnel de Monquartier par le passé, Jonathan Parent est par ailleurs résident du quartier Montcalm et copropriétaire de BeCoffee, entreprise du quartier Saint-Sacrement. Il partage une réflexion sur la qualité de l'expérience café avec les lecteurs et restaurateurs de nos quartiers et de la province.

Le café, ce produit négligé de la restauration québécoise | 1 octobre 2019 | Article par Monmontcalm

Crédit photo: Kayla Phaneuf on Unsplash

Collaborateur occasionnel de Monquartier par le passé, Jonathan Parent est par ailleurs résident du quartier Montcalm et copropriétaire de BeCoffee, entreprise du quartier Saint-Sacrement. Il partage une réflexion sur la qualité de l’expérience café avec les lecteurs et restaurateurs de nos quartiers et de la province.

Accepteriez-vous un vin d’épicerie avec votre repas dans un restaurant où vous payez une rondelette somme pour vivre une expérience? Cette question peut vous paraître étrange, car la réponse est évidente. Elle offre pourtant une image bien représentative des cafés que l’on peut boire dans les établissements de restauration du Québec.

Le vin et le café

Le monde vinicole et celui du café ont beaucoup en commun. Tout comme celles du vin, les origines du café sont très significatives, puisque dans un cas comme dans l’autre, les caractéristiques du terroir jouent un rôle important. De ce fait, un produit d’Afrique présente des arômes qui lui sont bien propres en comparaison avec un produit qui vient d’Amérique du Sud, par exemple. Alors que l’on parlera de cépage pour les vins (merlot, cabernet, etc.), on parlera de variétés pour le café (cattura, peaberry, bourbon, etc.). Ensuite, le savoir-faire des viticulteurs rejoint celui des fermiers en ce qui a trait aux terres et aux récoltes. Enfin, le vigneron qui produit le vin est comparable au torréfacteur qui en fera ressortir le caractère, en torréfiant le grain avant sa mise en sac.

Le marteau ne fait pas le forgeron

Alors que l’on peut souvent apercevoir des machines qui valent plusieurs milliers de dollars dans les établissement de restauration, on aurait tendance à croire que la qualité des cafés qui y sont servis va de pair. Les apparences sont souvent trompeuses. Vous n’achetez pas un vin parce que vous aimez l’étiquette, n’est-ce pas? Bien que l’appareil soit partie prenante de l’exécution d’une bonne préparation, il ne fait pas tout et il n’est pas garant de la qualité. En fait, pour le personnel inexpérimenté ou sans formation, les machines professionnelles sont souvent des béquilles.

Un établissement qui respecte le produit a du personnel qui sait ce qu’il sert. Questionnez candidement votre serveur sur le type de torréfaction et l’origine du café servi. S’il doit aller valider l’information, méfiez-vous. Souvent, la réponse est un mélange et le nom du sac. C’est comme si vous demandiez quel est le vin qui vous est servi et qu’on répondait « un vin rouge » et le nom de l’étiquette. Cela dit, ce ne sont pas tous les mélanges qui sont mauvais, mais ceux que l’on retrouve couramment dans les établissements de restauration le sont pour des raisons économiques. Sachez qu’un bon mélange permet généralement de connaître les origines et variétés dont il est composé.

Condamné à boire des cafés de torréfaction foncées?

La culture de consommation québécoise du café est fortement influencée par ce que l’on peut boire dans des établissements de restauration. C’est tout comme pour la nourriture en général : si vous vivez une belle expérience à découvrir un mets, il y a de fortes chances que vous tentiez de la reproduire à la maison, si vous êtes un peu intéressé par la cuisine. Même chose avec une bonne bouteille que vous aurez bue. Vous la noterez afin de la boire à nouveau ou de la servir à des invités.

Au Québec, à force de servir des produits aux origines et à la préparation discutables, on nourri cette idée que le café n’est qu’un produit au goût amer et brûlé dont l’on retire l’éveil caféiné au détriment d’un goût peu agréable.

Plaidoyer pour une amélioration de l’expérience café

Achetez directement des torréfacteurs et revenez au filtre pour la préparation. Alors que servir un produit à base d’espresso nécessite la maîtrise de plusieurs facteurs, servir un bon filtre est accessible à tous. Les méthodes de préparation à la tasse (en anglais, on parle de pour over) pourraient aller de pair avec la qualité que veut mettre de l’avant un établissement. De plus, en achetant directement du torréfacteur, vous vous assurez un produit de qualité et, surtout, un produit frais. Pourquoi ne pas proposer deux produits d’origines différentes mais de torréfactions locales? Le Québec peut désormais compter plusieurs artisans dont le savoir-faire en torréfaction est reconnu.

Imaginons un restaurant qui proposerait un filtre plus classique, de torréfaction mi-foncée, et quelque chose de plus typé comme un éthiopien ou un kenyan. Et côté service, une infusion manuelle directement à la table. Tout ce que cela demande, c’est du café moulu de la bonne façon (plus simplement puisque la mouture pour filtre est plus grossière que celle d’un espresso, qui est plus fine), un contenant de service, un cône d’infusion (dripper, V60, Kalita Wave, etc.) avec un filtre et une bouilloire à bec de cygne. Pour boire un bon vin, on vous apporte la bouteille, vous la présente, on vous fait tester et vous sert le premier verre. Dans cet optique, la préparation d’un café à la tasse demande à peu près le même temps de service que le vin.

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Pour les produits à base d’espresso (cappuccino, latté, etc.), on entend souvent que la formation est un problème avec le roulement de personnel. Or le fait de changer de produit de temps à autres, aux saisons (ce qui est une bonne idée avec les récoltes) va faire un sorte qu’un torréfacteur qui se respecte viendra voir comment vous préparez son produit. S’il ne le propose pas, invitez-le à le faire. Cela s’avère généralement un bon moment pour offrir une formation aux nouveaux et rafraîchir les habitués. C’est une bonne façon de garder vos gens à jour.

Jonathan Parent, copropriétaire de BeCoffee

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