« Depuis 1980, 1200 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées. 1200 Cédrika Provencher passées inaperçues. À peu près une affiche MISSING à chaque kilomètre sur le bord de l’autoroute entre Montréal et Natashquan. »
La cartomancie du territoire, projet mené par Philippe Ducros, c’est tout ce qu’on sait à peu près des Premières Nations, Innus et Inuits, mais qu’on préfère ignorer. Les statistiques, on les a entendues, mais voit-on vraiment les réalités qu’elles dépeignent?
La Loi sur les Indiens, adoptée en 1876, est toujours en vigueur. Ce n’est qu’en 1960 que les membres des premiers peuples ont obtenu le droit de vote; au Québec, il a fallu attendre 1969.
Près du tiers des réserves autochtones canadiennes n’ont pas l’eau courante.
« Les enfants sont des rois battus »
Les acteurs Marco Collin et Kathia Rock livrent en innu-aimun les témoignages recueillis, souvenirs de l’horreur des pensionnats où l’on cherchait explicitement « à tuer l’Indien au sein de l’enfant1 ».
La haine de soi est inculquée par la violence, marquée dans les chairs. Le jeu, l’alcool, la drogue ne suffisent pas à endormir le mal-être. On ne sait pas s’aimer, on ne sait pas aimer : la douleur se transmet aux générations suivantes.
Les images projetées sur l’écran et la poésie de l’ensemble font un peu mieux passer la pilule. En contrepartie, la mise en scène dépouillée, rêche, renvoie à la nature crue du propos.
Le voir en face est nécessaire.
Plus blanc que blanc
Il est non seulement question des blessures infligées aux peuples, mais également de celles faites au territoire.
Les vastes étendues du Québec, le Nord et sa blancheur, c’est un territoire balafré par les coupes à blanc – du blanc, encore – et l’exploitation des mines. C’est la mémoire noyée sous les réservoirs; les rivières harnachées, toutes, pour vendre à l’étranger de l’électricité moins cher qu’il en coûte de la produire.
La colonisation, c’est aussi ça : les entreprises qui pillent le bien commun.
La cartomancie du territoire est à l’affiche au Périscope jusqu’au 8 février.
En marge de la pièce sont également présentées ce vendredi 31 janvier deux activités satellites : une exposition de l’artiste multidisciplinaire Meky Ottawa et une lecture des carnets de voyage de Philippe Ducros en Iran.
1 Affaires autochtones et du Nord Canada, Présentation d’excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens, https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100015644/1100100015649.