Le Projet HLA: requiem des suppliciés

D’entrée de jeu, l’atmosphère est froide, morte, figée. Une table, du marbre, une urne funéraire. Un aquarium. Un aquarium qui, au fil du temps, prend plus d’espace, et se veut une miniature prison des âmes.

<em>Le Projet HLA</em>: requiem des suppliciés | 10 février 2020 | Article par Mélanie Trudel

Crédit photo: Jacques Boivin

D’entrée de jeu, l’atmosphère est froide, morte, figée. Une table, du marbre, une urne funéraire. Un aquarium. Un aquarium qui, au fil du temps, prend plus d’espace, et se veut une miniature prison des âmes.

Un jeune homme, dont la chemise rappelle les motifs des murs froids qui l’entourent, enregistre des rythmes en boucle, mouvements ondulatoires, exutoires. Mère et fils noient leur peine dans une mer éthylique, déni du chagrin. Famille démantelée par l’absence d’un tyran, dont les cendres trônent au centre de leur univers.

Toute la pièce n’est qu’une longue litanie de détresse, de souffrance vengeresse ou dépressive, catharsis invective de douleur du mal d’amour paternel et marital. « Je l’aime, j’ai peur et j’ai honte…»

Les scènes sont des reflets dichotomiques dans un miroir d’interprétations, tableaux stroboscopiques d’une histoire de violence pourrissante, ressassée jusqu’à la nausée, folie passagère, fatale, éternelle.

La mise en scène léthargique à l’ambiance lourde de Guillaume Pépin fait plusieurs clins d’oeil aux années 80: style vestimentaire, éclairage, musique, technologie, univers kitch, rappelant un peu la vidéo de la chanson Take on me, du groupe A-HA.

Le langage soutenu utilisé par Nancy Bernier et Vincent Nolin-Bouchard enlève de la crédibilité au senti des personnages. Le jeu de Carol Cassistat est particulièrement intéressant, de par sa diction qui est beaucoup plus naturelle, mais aussi parce qu’il nous amène à avoir presque pitié du personnage. Son ton varie à mesure que la pièce progresse et le bourreau, de brutal, s’amenuise dans sa victimisation jusqu’à lancer les mêmes mots, mais d’une manière lancinante, triste, épuisée. On en vient à se demander quelle est la véritable victime du drame.

Cette pièce m’a rappelé la nouvelle Axolotl, de Julio Cortázar, où un homme observant des lézards en cage voit soudainement son image s’éloigner de lui. Il demeure alors prisonnier de l’aquarium, son esprit ayant été transféré dans le corps du lézard. C’est un peu l’impression que Le Projet HLA laisse, on a peur d’en rester prisonniers et de ne plus jamais pouvoir se libérer de cette ambiance.

Comment briser les chaînes imaginaires des jougs, ceux imposés par la société, par autrui, par nous-mêmes, dictatures que nous nous infligeons? Pourquoi ne pas ouvrir la porte de sortie d’urgence et se sauver soi-même d’une histoire difficile, figée, qui nous nécrose? Pourquoi perpétuer le carcan avilissant qu’une personne ou un événement a sur nous, même lorsque c’est du passé? Vous ne trouverez pas ces réponses en allant voir cette pièce, mais vous aimeriez pouvoir les leur donner.

Le projet HLA, pièce de la compagnie La Trâlée, est présentée au Théâtre Périscope jusqu’au 22 février.

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