Église du Très-Saint-Sacrement : sursis et divergences

L'annonce du délai supplémentaire d'une année pour l'analyse de la demande de classement patrimonial de l’église du Très-Saint-Sacrement campe dans leurs positions la Fabrique de la Paroisse de Bienheureuse-Dina-Bélanger, opposée au classement, et SOS Saint-Sacrement, qui mise sur celui-ci en vue d'une requalification communautaire et socioculturelle du bâtiment.

Église du Très-Saint-Sacrement : sursis et divergences | 2 juin 2021 | Article par Suzie Genest

Église du Très-Saint-Sacrement en avril 2021.

Crédit photo: Jean Cazes

L’annonce du délai supplémentaire d’une année pour l’analyse de la demande de classement patrimonial de l’église du Très-Saint-Sacrement campe dans leurs positions la Fabrique de la Paroisse de Bienheureuse-Dina-Bélanger, opposée au classement, et SOS Saint-Sacrement, qui mise sur celui-ci en vue d’une requalification communautaire et socioculturelle du bâtiment.

Par voie de communiqué lundi, réagissant à la décision de la ministre de la Culture et des Communications Nathalie Roy rapportée par Radio-Canada et le Journal de Québec, la Fabrique de la Paroisse de Bienheureuse-Dina-Bélanger a assuré qu’elle fera « tout ce qui est en son pouvoir pour faire comprendre qu’un classement patrimonial ne tiendrait pas compte de la réalité ».

En amont de l’annonce du sursis d’un an, SOS Saint-Sacrement, le comité formé en 2019 pour la sauvegarde de l’église, avait émis le 18 mai un communiqué. Il y évoquait entre autres les résultats d’une expertise d’ingénierie réalisée sur l’église, dont une partie de mur s’était effondrée en 2018, entraînant par la suite sa fermeture.

Sons de cloche discordants

En mai 2020, alors que la pétition lancée par SOS Saint-Sacrement recueillait quelque 10 000 signatures, le curé Gérard Busque confiait à Monmontcalm qu’annuellement, l’entretien général de l’église du Très-Saint-Sacrement dépassait les 300 000 $ et que la facture de chauffage avoisinait les 50 000 $.

Un classement « condamnerait la Fabrique à supporter le fardeau financier démesuré » de cette église fermée, au détriment de celles, toujours ouvertes dans sa paroisse, de Saint-Michel et de Saint-Charles-Garnier, lit-on dans le communiqué de lundi. Selon celui-ci, l’église est « un bâtiment en très mauvais état qui connait une dégradation rapide » dont la structure est « instable et dangereuse » et il faudrait « probablement plus de 10 millions de dollars pour la restaurer ».

« Ils lancent un chiffre de 10 M$, on ne sait pas d’où ça vient », rétorque Louis Bélanger, porte-parole et initiateur de SOS Saint-Sacrement, rejoint hier au téléphone. « Dans ces cas-là, ça prend une étude indépendante. L’architecte qui a dit [que la structure est instable], c’est l’architecte du diocèse », poursuit-il.

Au début de 2021, le comité SOS Saint-Sacrement a constitué l’organisme à but non lucratif Espace communautaire Saint-Sacrement (ECSS). Pour avoir « un son de cloche indépendant », il a confié à la firme EMS ingénierie la réalisation d’une expertise technique de la structure du bâtiment.

« Le rapport conclut que la structure de cette église est en bon état, tout en sachant qu’il faut porter une attention particulière à l’état du parement de pierre. Il précise qu’il est possible, moyennant certaines inspections et vérification de sécurité du parement et des clochers (qui ont été déjà sécurisés) d’envergure raisonnable en termes de coûts, de permettre un accès sécuritaire au bâtiment. Un tel accès permettra de démarrer les activités d’occupation du bâtiment à des fins communautaires », indique le communiqué de SOS Saint-Sacrement.

Pour obtenir un portrait détaillé et évaluer les investissements nécessaires, il faut maintenant une étude approfondie, « une analyse exhaustive du parement et de la structure », qui exigera un investissement plus important, précise Louis Bélanger.

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Outre les contributions de citoyens, les sommes qui ont financé l’étude d’ingénierie provenaient de « Mme Nathalie Roy, ministre de la Culture et des Communications du Québec (5000 $), M. Jean-Yves Duclos, député fédéral de Québec et président du Conseil trésor (350 $), Mme Catherine Dorion, députée provinciale de Taschereau (500 $) et M. Yvon Bussières, conseiller municipal dans Montcalm–Saint-Sacrement (1000 $) », énumère le communiqué du 18 mai.

À ce soutien « multi-partisan », souligne Louis Bélanger, s’ajoute une résolution du conseil de quartier de Saint-Sacrement et le récent appui de Catherine Vallières-Roland, candidate de Québec Forte et Fière dans le district aux élections municipales.

Développement résidentiel et « coeur de quartier »

N’eut été de la demande de classement, la vente « qui allait aboutir en mai 2020 […] aurait permis de développer un projet dans le respect de l’environnement et de la qualité de vie des citoyens du secteur en offrant des logements pour des familles », fait valoir La Fabrique. Celle-ci en aurait tiré des revenus lui permettant « d’entretenir ses deux autres églises et d’offrir plus de services pastoraux à ses paroissiens ».

« On n’est pas contre les condos », insiste Louis Bélanger, qui trouve « formidables » le Gibraltar, Cité Verte et d’autres nouveaux projets en construction. « Mais ce qu’on dit, c’est qu’avec tous ces gens-là qui arrivent dans le quartier, on a besoin d’un coeur de quartier, de services communautaires. » SOS Saint-Sacrement/ECSS souhaite ainsi que l’église, construite et entretenue grâce à la communauté, conserve une vocation communautaire en devenant ce « coeur de quartier ». Par le passé, ajoute M. Bélanger, « il y a eu sous-investissement par rapport à d’autres quartiers, et ça, la Ville l’a reconnu ».

Dans son communiqué, la Fabrique indique qu’on ne lui a présenté aucun « projet comportant un financement pour une restauration et l’entretien récurrent, ni aucun plan assurant une autonomie financière permettant à un groupe de garantir la pérennité de l’édifice. » Le Centre de loisirs Saint-Sacrement, qui représente « en dehors du temps de pandémie 300 employés et 2,5 M$ de chiffre d’affaires », manque de locaux et serait un « occupant important » des espaces de l’ancienne église, assure M. Bélanger. « Je ne peux pas trop donner de noms, mais d’autres groupes sont intéressés », renchérit-il.

Quant au financement pour les travaux et la pérennité, il se montre confiant. Il évoque le YWCA qui avait obtenu en fonds publics quelque 16 M$ et récolté 1,5 M $ lors de sa campagne de financement pour les travaux du bâtiment achevé en 2017. « Pourquoi on ne serait pas aussi capables, en se mettant à la tâche? », demande-t-il.

« Dans les années 1970-80, quand une église était en difficulté, on regardait parmi les organismes du milieu pour voir qui pourrait prendre la relève […] On est là, on est prêts, on a une super équipe; moi, j’ai été marguiller là, Yvon Bussières est prêt à s’impliquer dans une campagne de financement. On a une belle occasion de prendre en charge le bâtiment. »

Louis Bélanger déplore la « fin de non-recevoir » de la Fabrique. Il déplore aussi « qu’on n’est pas à Montréal » où le diocèse (Mgr Lépine) a décrété en 2021 un moratoire sur la vente des églises, fait-il valoir. Pour SOS Saint-Sacrement/ECSS, puisque « le diocèse de Québec a annoncé sa volonté de céder pour 1 $ deux des églises déjà classées pour des fins communautaires », il faut « procéder rapidement au classement de l’église du Très-Saint-Sacrement et à son transfert à l’ECSS pour une somme nominale ».

La Fabrique estime pour sa part que « la ministre doit rapidement lever l’incertitude sur l’avenir de l’église Très-Saint-Sacrement et annoncer que cet édifice ne sera pas classé patrimonial ».

L’église du Très-Saint-Sacrement étant de niveau C, selon l’évaluation du Conseil du patrimoine religieux, ce classement serait « incohérent » avec la priorité accordée à « huit églises de niveau A ou B à Québec pour l’octroi d’aide financière à la réparation d’édifices religieux », soutient la Fabrique, citant une enveloppe insuffisante. « Au lieu de protéger le patrimoine religieux de Québec, [le classement de l’église du Très-Saint-Sacrement] nuirait à sa préservation », argue la Fabrique.

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