Foreman : Devenir un homme
Un homme, un vrai, qui n’a pas frette, pas peur, pas faim, pas mal. C’est ce qu’a toujours cherché à incarner Carlos (Charles Fournier), fier d’avoir été « élevé par des mononcles » comme d’autres l’ont été par des loups. Tandis qu’il raconte au public son parcours, ses quatre amis d’enfance se rendent sur une terre à bois pour se retrouver entre gars.
Vous connaissez peut-être un Poitras (Pierre-Luc Désilets), un Jo (Steven Lee Potvin), un Arnaud (Miguel Fontaine) ou un Frank (Vincent Roy), cependant les personnages ne sont pas quatre archétypes. Sous la surface de « tough », ça bout. À fleur de peau, ces hommes qui ne connaissent comme moyen d’expression que les sacres et la violence sont toujours à un cheveu d’exploser.
Surtout, ne pas être un…
Carlos a beau être le « boss » de sa gang de chums, celui à qui on se fie pour établir les règles de la sacro-sainte masculinité, lui-même se sent inadéquat par rapport au modèle de virilité qu’on lui a inculqué dès l’enfance. Aidé par l’alcool et la drogue, il passera sa vie à surjouer le rôle du mâle dominant1, craignant à tout moment que ses pairs finissent par repérer la faille qui le fera passer pour un « f** ».
Le texte de Charles Fournier, brut, vrai, n’a pas été passé à la polisseuse afin de mieux seoir au théâtre. Si des termes choquent, c’est qu’on souhaiterait oublier qu’en 2021 ils font encore partie du vocabulaire de trop de gens, et pas que des gars de la construction.
Pour tous les Carlos
Est-ce que ces personnes daigneront entrer dans un théâtre? Souhaitons-le : le propos mérite d’atteindre un public qui pourra s’y reconnaître. Quelques arguments convaincants : cette pièce mise en scène par Marie-Hélène Gendreau et Olivier Arteau n’a aucun temps mort. Les chorégraphies rythmées, odes à la testostérone, sont aussi éloquentes que le texte. Et rares sont les carcasses de Corolla qui connaîtront autant d’usages.
Foreman, de la compagnie Mon père est mort, est présentée jusqu’au 27 novembre au Théâtre Périscope et se promènera ensuite aux quatre coins du Québec.
1 Le récit de Carlos rappelle d’ailleurs, surtout lorsqu’il est question de ses expériences sexuelles, ce que Martine Delvaux remarque dans Le boys club à propos du viol collectif : « les gestes ont tout à voir avec une homosocialité, pour ne pas dire un homoérotisme, dont la pierre de touche est le spectacle : il faut être regardé par d’autres qui sont comme nous » (p. 152-153).
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2, rue Crémazie Est, Québec (Québec), G1R 2V2
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