Nature Québec : 40 années de mordant
Nature Québec souffle 40 bougies en 2021. L’organisme environnemental vient de dévoiler la campagne « Toutes nos dents » pour célébrer cet anniversaire.
Au centre-ville, on connaît Nature Québec entre autres pour son initiative Milieux de vie en santé. Celle-ci orchestre le programme de Ruelles vertes et accompagne d’autres projets de verdissement urbain. Pour le directeur exécutif de l’organisme, Cyril Frazao, Milieux de vie en santé a amené « une crédibilité, une notoriété à Nature Québec ». L’initiative répond à un besoin de projets rassembleurs et solidaires dans la communauté, note-t-il en entrevue téléphonique.
Le mandat de Nature Québec embrasse la biodiversité, la forêt, l’énergie et le climat, en plus de l’environnement urbain. L’organisme et ses 25 employé.e.s se consacrent autant aux aires protégées qu’aux espèces menacées ou aux impacts des grands projets industriels. Autour de ces enjeux, Nature Québec rassemble depuis sa fondation « les forces du mouvement écologiste québécois sur une base nationale ». L’une des ses spécificités est de s’appuyer sur la science pour avancer des solutions, souligne son directeur exécutif.
Du front au web
C’est en 1981 que tout débute. Différents projets menacent alors des milieux naturels, des battures de Beauport jusqu’à Kamouraska. Sous l’impulsion de Harvey Mead et d’autres citoyens engagés se crée un Front commun québécois pour les espaces verts et les sites naturels. Il prend en 1983 le nom d’Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN). Dès 1984, il publie un magazine sur le patrimoine naturel et humain des paysages québécois : Franc Nord. La revue, rebaptisée Franc Vert en 1990, parait jusqu’en 1999.
Dans les années 1990, avec l’Association des biologistes du Québec et la WWF, l’UQCN forme une coalition pour empêcher la privatisation de la moitié des parcs provinciaux. Elle joint aussi la Coalition pour la forêt vierge nordique, qui demande une meilleure gestion de la forêt boréale et la création d’aires protégées.
L’UQCN lance en 2001 la campagne Aux arbres citoyens! et devient mandataire au Québec du programme Zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO). Elle prend le nom de Nature Québec en 2005 et fête ses 25 ans l’année suivante.
Dans les années 2000-2010, Nature Québec s’investit pour la sauvegarde du carcajou, du bar rayé, de la rainette faux-grillon, entre autres. L’organisme s’intéresse aussi au caribou forestier et à la gestion du débit d’eau des Grands-Lacs. Il siège au comité directeur du Sommet sur la forêt à Québec et participe à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois. Il prend part au mouvement « Sortons le Québec du nucléaire », qui mène à la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2.
Le programme Milieux de vie en santé, lancé en 2015, prend de l’expansion. En 2019, il a un bureau à Trois-Rivières. La même année, Nature Québec revisite son logo et son site web, en plus de son énoncé de mission.
Législation et victoires
Au fil des décennies, l’organisme a participé à divers processus menant à des politiques, lois et règlements environnementaux. Il s’est joint à des concertations et coalitions pour exercer des pressions. Il a produit des mémoires, pris part à des audiences, produit analyses et recommandations.
Nature Québec a ainsi contribué à ce que le Règlement sur l’analyse et l’évaluation environnementale s’applique aux grands projets industriels. Il a travaillé en amont de l’adoption de la Loi sur les forêts, de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, de la Loi sur le développement durable, de la première politique énergétique du Québec, de la Politique nationale de l’eau…
Lorsqu’on le questionne sur les succès des 40 ans de Nature Québec, son directeur exécutif Cyril Frazao songe d’emblée aux « grosses victoires avec Énergie Est et GNL Gazoduc », dans la dernière décennie. Il cite aussi le projet Laurentia.
« Il faut quand même savoir que Nature Québec [alors connu comme l’UQCN] s’est déjà battu contre le Port de Québec, dans les années 1990, par rapport à l’agrandissement et aux infrastructures qui commençaient à être désuètes. […] Aujourd’hui, on voit l’énergie qui a été mise avec les bénévoles, avec le regroupement SOS Port de Québec, et là on a gagné. C’est quelque chose de majeur, qui nous a rendus heureux et fiers cet été. »
La force de Nature Québec, souligne-t-il, a toujours été de « regrouper du monde, s’insérer dans des coalitions et soutenir des communautés pour pouvoir vaincre ce type de projet qui n’a pas d’allure ». Plus de 90 000 membres et sympathisant.e.s et une quarantaine de groupes affiliés gravitent aujourd’hui autour de l’organisme. Dans le communiqué dévoilant sa campagne-anniversaire, Cyril Frazao souligne la mobilisation des donateurs et donatrices, le courage et la ténacité des bénévoles autour de « luttes qu’on croyait perdues d’avance ».
Des déceptions
Les luttes environnementales essuient leur lot de défaites. Elles concernent parfois la sauvegarde des arbres, même pour Nature Québec.
« Les récentes déceptions, c’est de plus en plus la destruction de forêt urbaines, de boisés urbains, comme pour la Maison des aînés. Le gouvernement a agi sans consulter les populations et les organisations, pour des projets qui auraient pu être mieux menés, dans le respect de l’environnement, des citoyens, et surtout de la santé », mentionne Cyril Frazao.
L’autoroute Dufferin-Montmorency a aussi amené son lot de déception à l’organisme. Toutefois, un retour du sujet dans l’actualité en a adouci l’arrière-goût. Les récentes campagnes électorales et la Table citoyenne Littoral Est ont amené l’idée d’une conversion en boulevard urbain. C’est une lutte à poursuivre « contre la dépendance à l’automobile », souligne le directeur exécutif.
Défis actuels, défi permanent
Dans le communiqué de Nature Québec, la directrice générale Alice-Anne Simard assure que l’organisme, à 40 ans, est mieux armé que jamais pour relever les défis climatiques et écologiques. Parmi les défis, Cyril Frazao évoque l’aménagement et « la surexploitation du territoire ». « L’expansion du territoire urbanisé empiète sur la nature » et sur les terres agricoles, illustre-t-il.
Il cite aussi la place de la voiture, même électrique. Certes, l’électrification des transports est « importante à court et moyen termes » pour réduire les gaz à effets de serre, dit-il. Mais l’auto électrique perpétue des aménagements pensés pour les véhicules. Et puis il y a les gouvernements :
« Le défi, c’est toujours faire face à l’inaction des gouvernements. C’est constant, c’est un défi permanent. Les organisations comme Nature Québec, on met tellement d’énergie à essayer de prouver que des projets n’ont pas d’allure, ne respectent pas l’environnement et portent atteinte à la santé des communautés… Cette énergie constante qu’on met là, elle ne va pas ailleurs, dans la transition écologique et énergétique, pour des villes durables. »
Le premier ministre du Québec s’est basé sur la science pour gérer la crise de santé publique de la pandémie, indique Cyril Frazao. Il souhaite le voir en faire autant « au niveau de l’autre crise, la crise climatique et la perte de la biodiversité ».
« On n’est plus à signer des accords, il faut que les gouvernements agissent maintenant. On est dans une urgence climatique et une urgence sanitaire. Il faut avoir des cibles qui puissent nous donner l’impression de ne pas être témoins de notre propre extinction », conclut-il.
Relever tous ces défis implique de relever le défi de financement commun à tous les organismes. La campagne « Toutes nos dents » s’amorce à Québec par un souper spectacle animé par Christian Vanasse le 18 novembre. Elle se poursuivra jusqu’à la fin décembre. Les détails sont en ligne sur le site de Nature Québec. On y trouve aussi un historique par décennie des 40 ans de l’organisme.
À lire aussi : Tournée de ruelles vertes avec Nature Québec et les riverains
Pour en savoir plus ...
870, avenue de Salaberry, Québec (Québec), G1R 2T9
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