En 1963, un édifice de quatre étages, inspiré visiblement du Musée Guggenheim de New York, voit le jour à l’angle de l’avenue des Érables et de la rue Père-Marquette. Conçu par Jacques Racicot, l’immeuble de la Caisse populaire Notre-Dame-du-Chemin sait encore attirer le regard des passants et susciter leur jugement.
Un projet de Delirious Quebec
Dans l’édition 2021 des Passages Insolites, parcours d’art public à Québec, on découvre près de l’ancien Marché du Vieux-Port une installation du collectif Delirious Quebec regroupant différentes constructions importantes de notre ville. Parmi celles-ci, on reconnaît la redoute Dauphine, la porte Kent, l’édifice Price, la bibliothèque Monique-Corriveau, le pavillon Pierre Lassonde, l’hôtel Loews Le Concorde, l’édifice La Capitale et la fameuse caisse Notre-Dame-du-Chemin du quartier Montcalm.
Tel un voisin que l’on salue quotidiennement, ou ignore selon le cas, ces œuvres d’architecture font partie de notre paysage, de notre milieu de vie. Parfois, on les apprécie. Parfois, on les déteste.

Crédit photo: José Doré, 8 août 2021
Laide comme un pou!
Tandis que la bibliothèque Monique-Corriveau, située au 1100, route de l’Église, fut qualifiée en 2013 de « temple lumineux[1] » par François Bourque du Soleil, la caisse Notre-Dame-du-Chemin, sise au 900, avenue des Érables, fut quant à elle comparée, dix ans plus tôt, à un « lutteur laid comme un pou », Wild Bull Curry. Dans son article intitulé « Verrues urbaines (2) », publié dans le journal Le Soleil le 6 mai 2003, Normand Provencher mentionnait :
« Je m’en veux d’avoir oublié dans mon palmarès la caisse populaire de Notre-Dame-du-Chemin, coin Père-Marquette et Des Érables, dans le quartier Montcalm. Un collègue de bureau et une lectrice m’ont rappelé l’existence de cet édifice blanc en spirale, vaguement inspiré du musée Guggenheim de New York. Désolé connais, pas. Qu’importe, dans mon livre à moi, c’est aussi laid que le lutteur dont j’oubliais le nom la semaine dernière, Will Bill Cury [Wild Bull Curry], c’est bien ça, merci aux deux lecteurs qui m’ont refilé l’information, dont un monsieur de Charlevoix qui confirme que le dit Wild Bill [Wild Bull] était laid comme un pou[2]. »
Et vous, qu’en pensez-vous? Cet édifice est-il réellement laid comme un pou? Et si son histoire vous en donnait une autre image?

Crédit photo: La Presse, Montréal, 6 juin 1973, p. E-2 (BAnQ numérique)
Les félicitations de l’abbé Deslauriers
Le 25 janvier 1943, dans le but de fonder une caisse populaire, une réunion publique fut convoquée à la salle paroissiale de Notre-Dame-du-Chemin. Peu de temps après la souscription de 455 parts par 95 sociétaires, l’abbé Cyrille Deslauriers, curé de cette paroisse, « remercia l’auditoire, les conférenciers, félicita les nouveaux élus, souhaita à la Caisse naissante tout le succès possible et exprima le désir que cet enfant naissant aide un jour le curé de la paroisse à porter le fardeau d’une lourde administration[3] ».
Hier soir, à la salle paroissiale de Notre-Dame du Chemin, avait lieu une réunion publique que dans le but de fonder une Caisse Populaire. Pour faire la petite histoire de cette fondation, il faut remonter à l’automne 1941. À cette date, un cercle d’étude formé des officiers et des chefs de groupes de la Ligue du Sacré-Cœur de Notre-Dame du Chemin avait à son programme d’étude : l’économie familiale. Les membres de la Ligue du Sacré-Cœur abonnés au Bulletin des Ligues, organe de la Fédération des Ligues du Sacré-Cœur, connaissent les articles publiés en décembre 1941, janvier et février 1942 sur les Caisses populaires. Cette étude donna naissance à un autre comité chargé d’étudier spécialement le projet de la fondation d’une Caisse populaire à Notre-Dame du Chemin[4].

Crédit photo: BAnQ Québec, P428,S3,SS1,D39,P7-4
Sous la gérance de monsieur Bergeron
Présent également lors de cette réunion, monsieur J.-Henri Bergeron fut nommé gérant de cette nouvelle institution financière. Celui-ci conserva son poste pendant 25 ans et demeura jusqu’à sa mort sur son lieu de travail.
De fait, lors de son ouverture en 1943, la caisse populaire Notre-Dame-du-Chemin se trouvait dans la résidence de son gérant, au 106, rue Crémazie, située entre les avenues de Salaberry et Cartier. Environ neuf mois plus tard, la caisse et monsieur Bergeron allèrent s’installer au 20, avenue des Érables, soit à l’emplacement actuel, mais dans un espace très réduit[5]. En 1963, sous l’initiative de ce dernier, un nouvel édifice de quatre étages, inspiré visiblement du Musée Guggenheim de New York, vit le jour à l’angle de l’avenue des Érables et de la rue Père-Marquette.

Crédit photo: L'Action, Québec, 18 avril 1964, p. 6 (BAnQ numérique)
Le 19 avril 1964, en présence de ses sociétaires et du public en général, le conseil d’administration de la caisse populaire Notre-Dame-du-Chemin procéda à l’inauguration de « cet édifice moderne et spacieux » abritant leur institution financière au rez-de-chaussée et au sous-sol et des appartements, pouvant se transformer en bureaux, aux étages supérieurs[6]. Lorsqu’il rendit l’âme le 28 février 1970, à l’âge de 76 ans, monsieur J.-Henri Bergeron résidait dans l’un de ses appartements, le n° 5[7].
Nous apprenons la mort de M. J.-Henri Bergeron, ex-gérant et fondateur de la Caisse populaire Notre-Dame-du-Chemin, à Québec. Pendant vingt-cinq ans, de 1943 à 1968, M. Bergeron a assumé la gérance de sa caisse. L’on doit à M. Bergeron de nombreuses initiatives notamment celle de la construction de l’immeuble actuel de la Caisse populaire de Notre-Dame-du-Chemin qui donne sur l’avenue des Érables. Nos sincères condoléances aux membres de la famille de M. Bergeron[8].

Crédit photo: Le Soleil, Québec, 2 mars 1970, p. 35 (BAnQ numérique)
Conçu par Jacques Racicot, un jeune architecte de 29 ans, ce bâtiment patrimonial se démarque toujours de ses voisins et démontre encore l’audace de ses propriétaires, qu’on le trouve beau ou laid comme un pou!
[1] Le Soleil, Québec, 30 novembre 2013, p. 6.
[2] Normand Provencher, « Verrues urbaines (2) », Le Soleil, Québec, 6 mai 2003, p. A-5.
[3] L’Action catholique, Québec, 26 janvier 1943, p. 9.
[4] Ibid.
[5] Le Soleil, Québec, 24 mai 1948, p. 8.
[6] L’Action, Québec, 18 avril 1964, p. 6-7.
[7] Le Soleil, Québec, 2 mars 1970, p. 35 ; Annuaire de Québec, 1970, p. 235.
[8] La Revue Desjardins, Québec, 1970, vol. 36, n° 2, p. 18.