Aime-moi parce que rien n’arrive : effondrements intimes
Collaboration spéciale : Pascaline Lamare, Le Bourdon du Faubourg
Avec Aime-moi parce que rien n’arrive, L’Apex nous plonge dans un maëlstrom de relations humaines et confronte nos perceptions et biais cognitifs en mettant en scène un intrigant jeu de domination et de faux-semblants.
Tout commence au chalet, un soir de fête. Julie, jeune héritière qui semble aussi insouciante qu’immature et superficielle, donne une fête. Sont également présents Christine et Jean, qui sont fiancés. Tous les trois travaillent au sein d’une même entreprise, celle du père de Julie.
Ce soir-là, Julie veut séduire, pour se redonner confiance, être définie autrement que par ses privilèges. La pièce s’ouvre sur un tirage au sort : qui de Christine ou de Jean sera l’amant‧e ou la/le fiancé‧e? L’amant‧e aspire à gravir les échelons professionnels et la‧le fiancé‧e veut privilégier le statu quo et le confort qui va avec.
Chaque soir, le spectateur pourra voir une pièce différente, puisque Christine et Jean pourront alternativement interpréter le rôle de l’amant‧e ou du/de la fiancé‧e. De ce pile ou face naîtront deux histoires, une histoire à laquelle le spectateur assistera et l’autre qu’il pourra seulement imaginer. Seul élément de stabilité au fil des représentations : la jeune héritière.
« En créant ce projet, j’ai eu envie d’explorer l’humanité et la vulnérabilité d’un personnage féminin contemporain qui me dérange dans mes convictions personnelles : une jeune femme qui utilise ses attributs physiques et ses privilèges sociaux pour abuser des autres », indique l’auteure, Gabrielle Ferron.
On pourrait croire qu’on va assister à une énième histoire d’adultère et d’ambition professionnelle. On serait bien loin de la vérité. Car ce qui s’amorce, presque en temps réel, est un jeu de dupes et de faux-semblant digne des Liaisons dangereuses, tout en nuances et en manipulations.
Le chalet devient le terrain d’une bataille rangée où rien n’est laissé au hasard, où les éraflures deviennent fissures. La pièce, d’une durée d’une heure trente, laisse le temps aux malaises de s’installer. Au noir et blanc de s’estomper et de laisser paraître les zones grises. Le jeu des acteurs, tout en nuance, s’épanouit aussi dans les non-dits, les regards. Il faut être attentif pour saisir toutes les subtilités et les impressions qui sont distillées au fur et à mesure, voir les fissures apparaître.
Ne pensez pas qu’il y a des longueurs; savourez plutôt les silences, ils sont aussi importants que les dialogues. On salue à cet égard le jeu des trois interprètes, Ariane Bellavance-Fafard, Catherine Côté et Gabriel Fournier, habile, mature, précis.
L’écriture est habile. Plus on avance dans la pièce et moins la situation est claire. Qui manipule qui? On vogue de malaise en malaise, et les situations qui pouvaient s’apparenter à des clichés usés jusqu’à la corde se délitent sous nos yeux. Et plus on avance, meilleure est la pièce.
Ce qui émerge de ce huis-clos? Une pièce qui nous fait douter de nos perceptions et qui nous rappelle que les zones grises sont multiples. L’auteure souhaitait aborder les rapports de domination au sein des genres et des classes sociales. Elle relève le défi haut-la-main, en brossant une galerie de portraits aussi troublés que nébuleux.
La pièce Aime-moi parce que rien n’arrive est présentée à Premier Acte jusqu’au 5 mars 2022.
Pour en savoir plus ...
870, avenue de Salaberry, Québec (Québec), G1R 2T9
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