L’éminemment incontournable Evergon

La rétrospective Théâtres de l’intime, consacrée au photographe canadien Evergon, se tient jusqu’au 23 avril 2023 au Musée national des beaux-arts du Québec. Un événement riche, diversifié, inclassable et éminemment incontournable.

L’éminemment incontournable Evergon | 25 octobre 2022 | Article par Anny Bussières

Crédit photo: MNBAQ, Idra Labrie

La rétrospective Théâtres de l’intime, consacrée au photographe canadien Evergon, se tient jusqu’au 23 avril 2023 au Musée national des beaux-arts du Québec. Un événement riche, diversifié, inclassable et éminemment incontournable.

Fort d’une production artistique de plus de 50 ans, menée tambour battant en parallèle à une carrière de professeur à l’université, Evergon en met plein la vue avec sa maîtrise des techniques photographiques, avec son audace dans le choix des thématiques, mais avant tout dans son humanité et son œil pour la beauté sous toutes ses formes.

Ce qui ressort d’emblée de cette exposition, c’est la volonté d’Evergon de présenter une masculinité libre, éloignée des stéréotypes habituels, cherchant à se (re)définir en des termes actuels, réels, capables de saisir la complexité et la richesse de l’expérience masculine. Par des tableaux débordant de théâtralité, de séduction et de volupté, l’artiste aborde des enjeux sociaux importants de façon tour à tour ludique et impudique.

Théâtres de l'intime - Evergon au MNBAQ
Par des tableaux débordant de théâtralité, de séduction et de volupté, l’artiste aborde des enjeux sociaux importants de façon tour à tour ludique et impudique.
Crédit photo: MNBAQ, Idra Labrie

L’artiste n’hésite pas à se mettre lui-même en scène dans plusieurs portraits, afin d’explorer les différents éléments forgeant une identité évolutive au fil des années et afin d’illustrer les esthétiques mises de l’avant par des corps atypiques. Et c’est dans cette imperfection que se cache l’apport conceptuel d’Evergon. Par le biais de photos crues montrant la réalité des corps humains, l’artiste efface les idées préconçues et propose une tolérance et une bienveillance rafraîchissantes.

Cette démarche se juxtapose à un foisonnement d’approches techniques. Photo numérique, photo Polaroid, photocopies (!), utilisation du noir et blanc, explosion de couleurs vives, collages et déconstruction de tableaux classiques de maîtres européens sont à l’honneur avec un sens inné de la mise en scène et toujours ce sourire en coin coquin et amical.

L’exposition est jubilatoire, libératoire et permet l’exploration de mondes imaginaires et fantastiques, tout en assumant entièrement son caractère politique et revendicateur. Dix thématiques centrales animent le parcours, dont Fabrique l’image, Ramboys et autres fictions et Inventaire de l’intime.

L’exposition s’avère une porte d’entrée fascinante dans l’univers d’Evergon, un artiste curieux, réfléchi, riche de son bagage technique.
Crédit photo: MNBAQ, Idra Labrie

Les salles consacrées aux photos Polaroid géantes valent à elles seules le prix d’entrée, de par leur utilisation du mouvement, du flou artistique et de la charge émotive des portraits. Les photos Daphne and Apollo et Le vol des sorcières s’avèrent le coup de cœur de cette rétrospective, tout comme les photos mettant en scène Margaret, la mère d’Evergon, particulièrement lorsqu’elle apparaît sous les traits de la Ramba Mama.

Car chez ce photographe canadien, la femme n’est pas objectifiée, elle n’existe pas par et dans le regard masculin. Elle existe. Forte et fière, indépendante, superbe dans toutes ses imperfections, même vieillissante, même à quelques années de la mort. Le dernier tableau de l’exposition, Margaret Flying, est d’ailleurs sublime dans sa simplicité et dans sa beauté.

Oui, certaines photos sont plutôt crues et présentent des moments intimes entre deux êtres humains majeurs et consentants; oui, la singularité et l’audace de certaines thématiques peuvent indisposer les âmes conservatrices. Mais oui, cette exposition s’avère une porte d’entrée fascinante dans l’univers d’un artiste curieux, réfléchi, riche de son bagage technique, certes, mais encore plus riche par sa quête d’individualité assumée et renouvelée.

Publicité

Une très belle découverte.

Lire aussi :

L’usine : apocalypse expérimentale

Pour en savoir plus ...

Soutenez votre média

hearts

Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.

hearts
Soutenir