Jean-Évrard Bilodeau : « La nature à Québec, pour moi, c’était le paradis »

Jean-Évrard Bilodeau : « La nature à Québec, pour moi, c’était le paradis » | 13 janvier 2022 | Article par Viktoria Miojevic

Crédit photo: Viktoria Miojevic

Directeur de sa boîte de production, réalisateur et attaché à la nature, Jean-Évrard Bilodeau a parcouru le monde avec son micro et sa caméra. Aujourd’hui à Montcalm, il raconte sa passion pour la vidéo.

Un été en Europe

Son enfance, Jean-Évrard la passe dans la banlieue de Québec, entre Sainte-Foy et Sillery. « Je voulais être réalisateur. (…) Quand j’étais petit, j’ai voulu être géographe, magicien, astronome, pêcheur. J’ai toujours eu des passions. »

Alors qu’il s’imagine géographe, il dessine une « immense carte du monde grande comme le mur ». Au Cégep de Sainte-Foy, c’est vers les arts plastiques qu’il se dirige : « J’ai passé toute mon enfance à dessiner. Puis j’ai toujours été un gars solitaire. »

Un peu plus tôt, à l’âge de 13 ans, pour le magazine Télé-jeans de Radio-Canada, il envoie un dessin surréaliste. Son but? Participer à un concours qui l’emmènerait, le temps d’un été, en Europe sur le tournage d’émissions sur la création artistique chez les jeunes. Le jeune artiste est sélectionné :

« C’était incroyable, car chez nous, on était douze enfants, c’était free for all. Là-bas, ça a changé ma vie, car même si j’avais quatorze ans (…) J’étais traité comme un adulte. »

« Je bouffais des films »

Passionné par les paysages et les couchers de soleil, il les photographie sur sa mobylette. C’est donc par les magazines et les films qu’il rencontre le cinéma. Dès l’ouverture du cinéma de la Galerie, il y travaille comme placier de soir et de fin de semaine.

« J’avais jamais entendu parler de ce film-là : Blade Runner (…) Tu vois Los Angeles en 20/50, avec la musique. Là, je me suis mis à pleurer tellement je trouvais ça beau. Au début des années 80-90, il y avait l’esthétique new wave punk qui s’imposait. Tout ce qui était laid devenait beau et trash devenait intéressant. C’est ça que j’aimais comme visuel! »

Au cégep, avec André Bécot, qui a participé à la fondation de l’Îlot Fleurie, le prof lui transmet la passion du cinéma. Il crée son premier docu-fiction, en super 8, qui lui permet de rentrer à Concordia, sans surprise en cinéma.

Photo d’archive de Jean-Évrard Bilodeau, avec sa radio à ondes courtes à Tblissi (Géorgie), aux début des années 90.

Premiers pas Montréalais

Dans son 4 ½ à 175 piastres du quartier populaire de Saint-Henri, il abandonne l’université en réalisant que l’expérience est la chose la plus valorisée au cinéma. Un gars de Québec, un voisin, frappe un jour à sa porte. Il l’informe que Radio-Canada cherche, en remplacement et en urgence, un preneur de son.

Au Holiday Inn de Longueuil, il apprend sur le tas. C’est Jean Chrétien qu’il doit enregistrer à son premier jour. Pas habitué à ce format d’enregistrement, le Premier Ministre le regarde. Il « pogne les nerfs, puis le micro et le jette à terre. Il ne s’est rien passé, personne n’a réagi. »

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Jean-Évrard Bilodeau avec son équipement micro en reportage
Photo d’archive de Jean-Évrard Bilodeau, situé à gauche du caméraman, en Argentine au début des années 90.
Crédit photo: Gracieuseté Jean-Évrard Bilodeau

Lune de miel

Pendant 10 ans, Jean-Évrard Bilodeau est preneur de son pigiste pour Radio-Canada. Mais son ambition reste celle de devenir réalisateur.

À Radio-Canada, il travaille pour le magazine d’actualité Le Point, diffusé après le Téléjournal. Par pagette, il est envoyé aux quatre coins du monde pour récolter le son de ce qui fait, le soir, l’actualité.

Photo du Devoir du 16 septembre 1985 qui annonce la diffusion des reportages auxquels Jean-Évrard Bilodeau a participé.

« On allait en Afrique du Sud, à cause de l’Apartheid, mais aussi car il commençait à y avoir des manifestations. On est arrivés le jour de la proclamation de l’État d’urgence. L’armée s’occupait de contrôler le pays.

Avec le caméraman, on filmait dès le lever du soleil, à Soweto : les manifestations, les arrestations… On se faisait gazer du matin au soir. Quand le soleil se couchait, on retournait à l’hôtel puis on repartait avec le réalisateur et les journalistes. On l’amenait à la TV là-bas et ça passait partout dans le monde, dans tous les bulletins de nouvelles. (…) Tout ce que tu fais, le monde entier va voir tes images et entendre ton son le soir même. »

Le passionné de radio à ondes courtes et d’information se sensibilise très tôt au racisme, notamment à Johannesburg. D’un quartier de blancs, en vogue comme le Plateau Mont-Royal, il raconte : « Ils écoutaient la même musique alternative et étaient habillés un peu punk. La différence en parlant avec eux autres, c’est qu’ils sont racistes jusqu’à la moelle. Parfois, la culture universelle, c’est juste l’apparence. »

Une personne est prostrée la tête contre le mur avec des graffitis.
Photo d’archive de Jean-Évrard Bilodeau. Soweto (Afrique du Sud) en 1985, on peut lire: « Nous la jeunesse, nous ne permettrons pas aux blancs de nous chier dessus ».

Malgré l’insécurité du travail et ses difficultés, cette période reste sa « lune de miel ». « Je travaillais avec les plus grands journalistes comme Bertrand de la Grande, les meilleurs réalisateurs et équipes », raconte-t-il.

Caméras et liberté

Un jour, un réalisateur à l’UQAM lui dit : « Jean-Évrard, il faut que tu fasses un film pour avoir quelque chose à montrer ». Débute alors un documentaire, en Israël, sur les icônes religieuses et la crise iconoclaste. Les icônes de Nazareth sera acheté par Radio-Canada en 1990.

Photo d’archive de Jean-Évrard Bilodeau. Photo de tournage à Nazareth (Israël), en 1989.

Appelé à travailler sur la Colline, pour Radio-Canada Québec, il documentera les affaires publiques. Puis c’est à Québec qu’il achète sa première caméra DV.

« Pour moi, l’arrivée des petites caméras, pas chères et de qualité c’était la libération. »

Mais derrière cette liberté se cache la dévalorisation du métier. « Les 15 000 $ qu’on te donnait pour un documentaire d’une heure. Là maintenant c’était 250 $ ou 500 $. D’un coup, on ne pouvait plus vivre des documentaires. »

De Radio-Canada, il passe à Télé-Québec. Il est réalisateur pour le magazine avant-gardiste Méchant contraste, « ça a été merveilleux, cette émission-là », se souvient-il.

Après plus de 300 reportages, il décide de mettre en pause les voyages pour créer sa boîte de production JEB création vidéo. Bien que cela reste « une job à triple temps plein », c’est là qu’il retrouve une forme de liberté.

Un projet de livre

Après être passé par le Vieux-Québec, le réalisateur s’est installé à Montcalm, dont il admire toujours les paysages, la nature et les couchers de soleil.

Photo d’archive de Jean-Évrard Bilodeau. L’image a été prise au Koweït en 1991.

« Dans mes années de voyage dans des dictatures ou pays autoritaires,  chaque fois qu’on volait au-dessus de Montréal (…), j’avais l’impression de revenir au paradis. La nature à Québec, pour moi, c’était le paradis et ça l’est encore. Ici, il y a encore des gens malheureux, pour toutes sortes de raisons, qui ont l’impression de vivre en enfer. L’enfer, je l’ai vu : je l’ai vécu. »

En plus du développement de son entreprise JEB création vidéo, Jean-Évrard Bilodeau a encore des rêves de documentaires mais aussi celui d’un livre sur son parcours.

Lire aussi : Montcalm dans les années 1950 : le cinéma Cartier

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