Météo : quand les ouragans viennent mourir sur nos régions

Fiona. Et maintenant, Ian... Autres phénomènes météo que je documente depuis au moins quatre décennies, ce rappel en quelques exemples que les tempêtes tropicales et ouragans nous affectent aussi à l'occasion, surtout en septembre.

Météo : quand les ouragans viennent mourir sur nos régions | 1 octobre 2022 | Article par Jean Cazes

Parc Ferland, quartier Limoilou, peu sprès le passage de la tempête Irene. 29 août 2022.

Crédit photo: Jean Cazes

Fiona. Et maintenant, Ian… Autres phénomènes météo que je documente depuis au moins quatre décennies, ce rappel en quelques exemples que les tempêtes tropicales et ouragans nous affectent aussi à l’occasion, surtout en septembre.

Pour cibler mes cinq tempêtes d’exception, j’ai retenu leur impact sur notre grande région conjugué à leur caractère historique à l’échelle continentale. De ce nombre, 67 ans après le passage de Carol, Irene aura été vraisemblablement, en 2011, le second événement du genre le plus significatif.

Une expression agaçante souvent relevée dans les médias : « queue d’ouragan ». Pourtant, Irene nous aura rappelé, que le sud du Québec est parfois en plein dans la mire de ces tempêtes dans leur version « affaiblie ». Ici, l’ouragan près de New-York, le 28 août 2011, quelques heures avant son entrée au Québec en conservant des caractéristiques quasi tropicales.
Crédit photo: Credit: NASA/NOAA GOES Project

Outre les archives du journal Le Soleil, j’ai notamment jeté un coup d’œil dans mes autres coupures de journaux collectionnées jusqu’à l’arrivée du Web. L’incontournable Wikipédia, des sites spécialisés et les données météo officielles en ligne s’ajoutent comme références. J’ai joint aussi quelques montages vidéo de mon cru.

Cela dit, pour mieux en apprendre sur la formation de ces tempêtes, leur passage en sol canadien et la juste terminologie pour les décrire, je suggère de consulter le document Ouragans et tempêtes tropicales. Impacts sur le Québec. Tendances futures et mesures d’adaptation. On y explique par exemple pourquoi elles sont le plus souvent qualifiées d’«extra », ou de «post-tropicales » à leur arrivée sous nos latitudes.

Enfin, la question de l’impact du réchauffement climatique sur la puissance et la fréquence des ouragans est forcément revenue dans l’actualité à la suite des catastrophes des derniers jours.

Cinq exemples d’ouragans qui nous ont déjà affectés

1- L’ouragan de la Nouvelle-Angleterre (21-22 septembre 1938)

Le Soleil, 23 septembre 1938.
Crédit photo: BAnQ - Fonds Le Soleil

Aussi passé à l’histoire sous le nom de Long Island Express – c’est en 1953 qu’on a commencé  baptiser les tempêtes tropicales de l’Atlantique –, il s’agissait du premier grand ouragan à dévaster la Nouvelle-Angleterre depuis 1869. Née au large des côtes d’Afrique, cette tempête s’est abattue en catégorie 3 sur Long Island le 21 septembre 1938. Près de 700 décès lui sont attribués, de même que la destruction de plus de 57 000 maisons, pour un bilan des dégâts évalué à près de 7 MM$ (en chiffres de 2005).

Dans sa course rapide vers le nord, le Long Island Express s’est métamorphosé en une puissante dépression extratropicale en traversant le Vermont, avant son entrée au Québec. En Montérégie comme en Estrie, frappés de plein fouet, les journaux locaux soulignent son caractère exceptionnel. On rapportera plus tard que la tempête aurait abattu presque tous les arbres du flanc sud de mont Mégantic!

La Tribune (Sherbrooke). 23 septembre 1938.
Crédit photo: BAnQ - Fonds La Tribune

Notre région étant à l’est de la trajectoire de la tempête, par sa topographie, elle a été moins affectée par les vents violents, contrairement par exemple à Saint-Hyacinthe et Sherbrooke. Ici même, le vent aurait toutefois nettement dépassé les quelque 65 km/h en rafale rapportés, mais je n’ai pas trouvé de données météo le confirmant.

Extraits du reportage du journal Le Soleil :

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« Dégâts considérables causés par la tempête dans le district de Québec. Un vent violent a balayé le district pendant toute la nuit et tous les services publics ont été désorganisés. 

Atteignant une vitesse de 42 milles à l’heure, un vent violent de l’est a fait rage presque toute la nuit dans le district de Québec et désorganisé les services d’utilités publiques. Des poteaux ont été brisés et des arbres arrachés à plusieurs en ­droits. notamment à Limoilou, à St-Sacrement, à St-Pascal Baylon et à Sillery. Par suite de la chute des arbres, les citoyens ont été privés de lumière a maintes reprises et le service des tramways a été interrompu sur différents circuits. […]

Le service des tramways a été interrompu sur différents circuits, notamment sur la rue St-Cyrille et à Limoilou. […] À trois reprises, hier soir, les hommes de la brigade des incendies ont été appelés a combattre des feux dans des poteaux. […]

Le vent chaud venait de l’est et la température a monté à 73 degrés. […] »

Références pour en savoir plus

2- Carol (31 août-1er septembre 1954)

Le Soleil, 1er septembre 1954.
Crédit photo: BAnQ - Fonds Le Soleil

La trajectoire et l’intensité de l’ouragan Carol ont été comparées à l’ouragan de 1938. Carol est donc passé à l’histoire comme étant l’un des plus violents ouragans à s’abattre sur la Nouvelle-Angleterre. Il a causé plus de 60 décès, entraînant des dégâts évalués à près de 4 MM$ (chiffres d’aujourd’hui).

Formée au large des Bahamas le 25 août 1954, Carol a atteint rapidement la catégorie 3 en se dirigeant vers le nord, traversant le 31 août Long Island, touchant le Connecticut, puis poursuivant son chemin sur le sud du Québec sous forme d’une violente tempête extratropicale.

Extraits du reportage du journal Le Soleil :

« Québec secoué par un véritable ouragan — Dommages très considérables.

Un ouragan s’est déchaîné sur Québec et le district hier, causant des dégâts matériels considérables. Pendant plusieurs heures, de grands vents accompagnés d’une pluie torrentielle ont soufflé à une vitesse allant de 35 à 75 milles à l’heure. C’est au début de la soirée que la tempête, venue de la Nouvelle-Angleterre, a atteint tonte son intensité. De mémoire d’homme, jamais une pareille bourrasque ne s’était abattue sur la région. Les compagnies d’utilités publiques et la navigation ont été durement éprouvées. Des toits de maisons ont été emportés et des centaines d’arbres ont été cassés. La compagnie Quebec Power dispose depuis hier soir d’une centaine d hommes pour réparer les dommages causés à ses lignes. Le principal bris s’est produit sur l’avenue Holland, à St-Sacrement, quand deux arbres ont endommagé une ligne de 24,000 volts.

La compagnie de Téléphone Bell a aussi subi des dégâts élevés. Un peu partout en ville et dans le district, la bourrasque a laissé des traces sur son passage et plusieurs routes ont été fermées par des arbres qui bloquaient la circulation. La police rapporte ce matin qu’un enfant de 12 ans. fils de M. Roger Fiset, ajusteur. 501, rue de la Ronde, à St-Pascal, a eu les deux jambes broyées dans la chute du toit d’une maison â l’angle de la 25e Rue et de la rue Maufils. Une femme non encore identifiée a été transportée â l’hôpital St-François d’Assise, souffrant de blessures subies lorsqu’elle fut projetée par le vent contre le mur d’une maison de la 1ère Avenue. M. Alexandre Bélanger, domicilié au 701, 3e Rue, a été emprisonné dans son automobile par suite de la chute d’un arbre, sur la 8e Rue, à Limoilou. […]

La chute d’un balcon sur des fils de la rue Ste-Ursule. celle de toits da maisons sur la rue McMahon, Latourelle et sur la 25e Rue, a aussi entraîné des dégâts assez considérables aux lignes électriques. […]

Deux barges coulent à pic; un homme perd la vie. Le port de Québec a connu des heures des plus tragiques, hier soir, au moment où l’ouragan soufflait avec une vélocité de 75 milles à l’heure. Deux vaisseaux, la grue et le chaland “45 de la Cie de Sable Limitée” ont été renversés pour sombrer dans une cinquantaine de pieds d’eau dans l’embouchure de la rivière St-Charles. […]

Dans la tempête d’hier, le club de Yacht de Québec a aussi subi des pertes pour quelque $100,000. […] »

Références pour en savoir plus 

3- Frances (9 septembre 2004)

Frances secoue Québec le 9 septembre 2004. Ici, près du Château Frontenac.

Né au large de l’Afrique, Frances a traversé l’Atlantique avant de frapper la Floride. Sa trajectoire s’est recourbée vers le nord-est et il est devenu extratropical en remontant les terres à partir du Mississippi. On impute à ce troisième ouragan majeur de la saison un lourd bilan de 49 morts, dont 37 en Floride, et plus de 9 MM $US en dommages.

Après avoir engendré d’importantes inondations dans le sud de l’Ontario, les vestiges de Frances ont poursuivi leur course vers l’est, causant au Québec d’autres inondations et des effondrements de routes.

Dans notre région, entre 70 et 80 millimètres de pluie ont été rapportés, poussés par des pointes de vent dans les 60 km/h. En soirée, la Sécurité civile avait à l’œil des petits cours d’eau après que des centaines d’abonnés d’Hydro-Québec aient été privés d’électricité.

Références pour en savoir plus

4- Rita (26 septembre 2005)

Comme la rivière Lorette, la Saint-Charles a débordé le 26 septembre 2005. Ici, dans le secteur Saint-Malo.
Crédit photo: Jean Cazes

Formée dans les Antilles avant de toucher la Floride, Rita, comme Katrina plus tôt, s’est renforcée en catégorie 5 sur le golfe du Mexique avant de frapper la Louisiane, le Mississippi et le Texas. Reconnu comme le quatrième ouragan le plus intense enregistré dans le bassin Atlantique, Rita aura causé quelque 12 MM $US de dégâts et la mort de 125 personnes.

Dans sa progression au stade extratropical, l’ex-ouragan a ensuite fusionné avec une dépression au sud des Grands Lacs. Conséquences? Une chute de 105 mm de pluie en 24 heures sur notre région a provoqué de graves inondations qualifiées de « pires depuis des décennies ».
L’Ancienne-Lorette en a particulièrement écopé, la crue de la Lorette affectant quelque 200 résidences – surtout de la rue Papillon – et autant de commerces, entre autres dans la section de près de 2 km du boulevard Hamel immergée par endroit sous plus de trois pieds d’eau. Une cinquantaine de personnes ont même été évacuées en chaloupe ou à l’aide d’une pelle chargeuse.

Références pour en savoir plus

5- Irene (28-29 août 2011)

Des centaines d’arbres couchés par le vent à Montmagny. 29 août 2011.
Crédit photo: Jean Cazes

Le 20 août 2011, Irene a acquis son statut de tempête tropicale à l’est de la république dominicaine, avant d’atteindre le stade majeur d’ouragan de catégorie 3 sur les Bahamas. Elle est redevenue tempête tropicale, puis extratropicale après son passage sur New-York au matin du  28 août, en route vers chez nous. Cinquante-cinq décès lui sont imputés, ainsi que des dégâts estimés à 3,1 MM $US dans les Antilles, et à au moins 7 MM $US aux États-Unis.

Au Québec, les plus fortes pluies dépassant les 60 mm ont été observées au sud. Il s’en est fallu de bien peu pour que l’on y vive la catastrophe du Vermont : ses pires inondations du siècle. On a toutefois noté quelques débordements de rivières, ainsi que des effondrements sur des routes ayant causé un accident mortel.

À Montmagny, j’ai vécu pleinement Irene dans le corridor du Québec le plus touché, soit les régions de la Beauce, de Chaudière-Appalaches et de Charlevoix, À l’Ilet, station météo de référence sise un peu à l’ouest du centre de la dépression, 171 mm de pluie au total, et une rafale de 111 km/h enregistrée en soirée. Cette tempête de longue durée demeure pour moi la plus mémorable que j’ai vécue depuis celle du 4 mars 1971.

Dans une moindre mesure, la région de Québec a aussi été très secouée, les vents frôlant également les 110 km/h ayant fait de sérieux dégâts chez ses producteurs agricoles. En ville, après l’annulation la veille de l’événement Expo Québec, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, avait invité la population, au matin du 28 août, à ne pas sous-évaluer la puissance d’Irene. Hydro-Québec aura dénombré quelque 32 000 clients privés d’électricité dans la Capitale Nationale, les chutes d’arbres ayant aussi perturbé des services de transport.

Références pour en savoir plus

En extra : le témoignage d’un ex-journaliste ayant vécu l’ouragan Hugo

À ma suggestion, Fabien Abitbol, qui habite Saint-Jean-Baptiste, nous a confié sa traumatisante expérience du passage en Guadeloupe de l’ouragan Hugo (« cyclone », dans les Antilles françaises), en septembre 1989. Hugo avait aussi chamboulé notre météo dans sa course vers le nord.

Correspondant de 1985 à 1989 pour le journal Le Monde, Fabien raconte s’être trouvé juste sous l’œil de l’ouragan avant qu’il ne reprenne sa route à près de 300 km/h. Se retrouvant parmi les 25 000 sans-abri guadeloupéens, il ajoute que le pays représentait plus de 50 % des sans-abri victimes de Hugo sur sa trajectoire.

« Dans la nuit du 16 au 17 septembre 1989, je subissais de plein fouet le cyclone Hugo. Vers 2 h du matin ma maison commençait à perdre son toit, alors que les voisins sinistrés plus tôt s’était réfugiés chez moi.

À l’époque, nous étions au XXe siècle, nous n’avions pas les mêmes moyens technologiques, et des médias français avaient annoncé que la Guadeloupe était rayée de la carte.

Évidemment mes parents s’inquiétaient. Un copain m’a prêté une chambre inondée, un confrère m’a filé son matelas qui lui aussi avait pris l’eau. Puis il a fallu attendre les livraisons militaires pour obtenir des pastilles afin de rendre l’eau plus potable (pastilles que j’ai eues alors que je n’avais pas d’eau).

Quelques mois de galère, mais aussi de belles rencontres et d’entraide. Puis départ pour cette France que j’ai appris à connaître sous un autre œil.
Trente-trois ans tout juste après Hugo, Fiona a sévi… » […]

Après la Guadeloupe, ce fut le tour de Puerto Rico, plus tard, de nouveau durement touché par un autre ouragan sous le mandat de Trump (qui avait pris la chose à la légère). »

Vous avez aussi des souvenirs ou des photos à nous partager sur des ouragans que vous avez peut-être déjà vécus en d’autres lieux? N’hésitez pas à nous en faire part!

Lire mon précédent dossier météo :

Météo : huit tempêtes de neige d’exception à Québec

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