Musée national des beaux-arts du Québec : d’autres leçons de la pandémie

Comme nos habitudes, celles des institutions culturelles ont changé depuis le début de la pandémie. Au-delà des mesures sanitaires et des multiples fermetures et réouvertures, elles ont dû revoir leurs pratiques. Au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), sur les plaines d’Abraham, dans le quartier Montcalm, cette transformation plurielle se poursuit.

Musée national des beaux-arts du Québec : d’autres leçons de la pandémie | 13 juillet 2022 | Article par Josianne Desloges

Crédit photo: Idra Labrie MNBAQ

Comme nos habitudes, celles des institutions culturelles ont changé depuis le début de la pandémie. Au-delà des mesures sanitaires et des multiples fermetures et réouvertures, elles ont dû revoir leurs pratiques. Au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), sur les plaines d’Abraham, dans le quartier Montcalm, cette transformation plurielle se poursuit.

Les gens ne viennent pas tous au musée pour les mêmes raisons. Certains viennent pour se ressourcer, être dans le silence et rester longtemps devant les œuvres. D’autres veulent socialiser, vivre une expérience avec quelqu’un, discuter, réagir, interagir. Le défi des programmateurs est de réussir à les faire cohabiter.

« On cherche comment créer des programmations à plusieurs facettes, avec du plaisir contemplatif et suffisamment d’informations pour un public avide de lire sur les œuvres, tout en offrant aussi un lien avec l’actualité. Au Musée, on a tendance à toujours entrer par la même porte, celle de l’histoire de l’art, mais la lunette de l’histoire sociale, de la psychologie, des sensations, peuvent être tout aussi riches », croit Annie Gauthier, directrice des expositions et des partenariats internationaux au MNBAQ.

Depuis avril et jusqu’en janvier, le projet Comment ça va? met ainsi en valeur les bienfaits de l’art et de la créativité sur notre santé mentale, émotionnelle et physique. Depuis cet hiver, les Visites velours invitent les visiteurs à ralentir et à s’ancrer dans le moment présent.

Adapter les outils numériques

Avec l’arrivée des tablettes et téléphones intelligents, les traditionnels audioguides des musées sont devenus des média-guides incluant images, vidéos et interactivité. En salle d’exposition, les visiteurs (particulièrement les enfants) se sentaient souvent tiraillés entre ce qui se trouvait dans la salle et le monde parallèle qui s’ouvrait sur l’écran.

« Maintenant, et ça c’est vraiment à cause de la pandémie, les contenus numériques sont accessibles avant ou après la visite, souligne Annie Gauthier. Le média-guide est disponible dès l’achat du billet horodaté. On n’a pas à être devant l’œuvre, déjà sollicité par nos sens, à entrer dans une autre histoire. »

Les visiteurs qui veulent savoir quoi regarder peuvent encore lire les cartels traditionnels, alors que le média-guide propose des angles d’approche plus inédits, qui font confiance à l’intelligence du visiteur et l’incitent à se forger sa propre opinion sur ce qui est présenté.

« C’est déstabilisant pour les gens qui cherchent encore le numéro de la piste audio sur le mur, a constaté Annie Gauthier. Ce que je retiens de l’expérience est qu’il faut tout de même multiplier les styles de visite possibles. En mettant l’humain au centre de nos préoccupations, ce n’est plus seulement le parcours idéal, où il n’y aurait personne d’autre dans la salle, qui est imaginé. »

Les billets horodatés, qui obligent les visiteurs à se présenter à une heure précise et aplanissent ainsi les heures de pointe, sont là pour rester – du moins pour les moments de grande affluence.

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Si certains adorent cette expérience plus intime, d’autres se désolent que le musée ait l’air vide. « Ils se demandent pourquoi ce gros bateau payé par nos taxes n’est pas plus rempli, illustre Annie Gauthier. Alors qu’on voit bien que le nombre de visiteurs est à peu près le même qu’avant, il est juste mieux réparti dans la journée. »

Une visiteuse assise au centre d'une salle d'exposition du MNBAQ.
Certains adorent l’expérience plus intime que permettent les billets horodatés; d’autres se désolent que le musée ait l’air vide.
Crédit photo: Idra Labrie MNBAQ

Être plus sensibles à la neurodiversité

L’effervescence des grands vernissages et les Nuits MNBAQ, où le Musée était transformé en grande discothèque, manquent aux amateurs de célébrations. Les visites et conférences virtuelles ont toutefois permis à l’institution d’atteindre de nouveaux publics.

« Tout à coup, on est devenu plus conscient de la neurodiversité des publics, constate la directrice des expositions. Au Musée, ça devrait être notre affaire de prendre soin des gens. »

La pandémie aura permis d’exacerber le souci d’inclusion, de varier les manières de rejoindre les gens et de rendre l’art accessible. « On a réalisé qu’on avait plus de flexibilité qu’on pensait. »

L’équipe de médiation a pu rejoindre des écoles partout sur le territoire, jusqu’à Iqaluit, à l’école des Trois Soleils. Elle a adapté son contenu à davantage de groupes d’âge, de territoires et de contextes techniques. Des classes pouvaient se connecter pour faire une visite avec un guide qui tenait un téléphone au bout d’un bâton. La numérisation des pièces de la collection en 3D rend aussi plus accessible un vaste éventail d’œuvres et d’objets.

Le futur des expositions

La construction du nouveau pavillon Riopelle, qui s’élèvera au-dessus de l’ancien pavillon central, change la donne pour l’équipe du MNBAQ, qui devra resserrer ses activités dans le pavillon Pierre Lassonde pendant les travaux.

Mais au-delà de cette contrainte temporaire, des changements plus durables sont déjà en branle.

« Le modèle d’affaires du blockbuster est de moins en moins viable, constate la directrice des expositions. Mettre beaucoup d’argent pour une exposition qui dure trois mois, ne serait-ce que pour tout l’impact écologique que ça a, ne fait plus de sens dans le cadre du grand réveil collectif qui s’est opéré. »

Construire du mobilier, peinturer des murs immenses, faire venir des œuvres et toute une équipe par transport maritime, puis terrestre, tout remballer et recommencer a des impacts financiers et environnementaux considérables.

« On a commencé à penser à des prêts à long terme, pour continuer d’être une vitrine sur les collections des musées du monde, dévoile Annie Gauthier. On pourrait installer des œuvres dans nos salles permanentes pour plusieurs années, plutôt que de miser sur l’expo-événement. »

Pour une bonne portion de la population, le rythme des sorties a ralenti. Les semaines de confinement et la maladie ont modifié notre rapport au temps.

« On peut faire évènement avec nos collections ou avec des œuvres de prêteurs ou d’artistes », croit la directrice des expositions, qui souhaite exploiter les quelque 42 000 œuvres qui dorment dans la réserve du MNBAQ.

« On a 13 expositions en cours lorsque tous nos pavillons sont ouverts et on expose à peine 4 %, maximum 6 % des œuvres. Imaginons toutes les œuvres qui pourraient être prêtées ou en circulation! Si les musées internationaux ne s’intéressent pas nécessairement à nos collections d’art du Québec, il y a d’autres musées au Québec et au Canada qui pourraient en bénéficier. »

Déborder des murs

Annie Gauthier
Annie Gauthier, directrice des expositions et des partenariats internationaux
Crédit photo: Idra Labrie MNBAQ

Le lien de proximité avec le quartier Montcalm s’est affirmé depuis que l’entrée principale du MNBAQ est sur la Grande Allée. « On a investi l’avenue Cartier, fait des visites des œuvres d’art public autour du musée et on a développé des visites avec l’architecte Jean Beaudoin, dans les sentiers qui entourent le Musée », rappelle Annie Gauthier.

Des artistes ont aussi été invités à intervenir sur le terrain aux abords de l’institution. Comme Ilana Pichon, qui a tracé des trajectoires colorées sur le sol, et Mathieu Gotti, venu à la rencontre du public avec ses sculptures d’animaux survivants de la crise écologique.

Une petite place intime, dans les sentiers, a aussi été créée en hommage à François Duchesne, directeur des communications et du marketing du MNBAQ, fauché abruptement le 31 octobre 2021.

« Voir les gens qui marchent le sentier, qui lisent la plaque, qui vivent une activité de bien-être, crée de petits moments significatifs, observe Annie Gauthier. Ça nous a permis de créer un programme qui fait du bien, en lien avec cet autre traumatisme qu’on a vécu, et ça nous permet de remettre du sens dans le travail. »

Lire la première partie :

Révolution pandémique au MNBAQ : les relevailles d’un titan

Au fait…

Savez-vous quel.le.s professionnel.le.s composent l’équipe de travail derrière une exposition muséale? Monquartier a rencontré la muséologue Geneviève Provencher-St-Cyr, qui les présente en moins de deux minutes dans ce segment audio.

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