La Nuit du 4 au 5 : Cette fille-là, en morceaux

Une fille, dans un parc un soir. Un inconnu qui l’agresse. Pour l’individu lambda, c’est banal. (Car c’est une scène de film convenue, bien que statistiquement minoritaire¹.) Elle avait juste à ci, ou à ne pas ça, ou à. Surtout, qu’elle en revienne.

Mais pour cette fille-là, c’est un cataclysme. La voilà réduite en charpie, impossible à recoller.

S’ensuit l’intervention médico-légale, l’interrogatoire de police. Autant d’expériences de dépossession de soi, où le corps est considéré comme un objet.

Confronter le malaise

La scénographie de chaque tableau comporte des éléments dérangeants. Le public, voyeur malgré lui, se trouve alors confronté à lui-même.

Lauriane Charbonneau et Lauren Hartley offrent une intense performance artistique. La fragmentation du récit, le non-sens des événements, le trop-plein et les injonctions de toute part, tout de la condition de victime d’agression se retrouve sur scène, exprimé de façon éloquente par la vidéo, le son, le mouvement, les éléments du décor.

Au cœur d’un espace froid, blanc, plastique, l’art permet une puissante réaffirmation de soi, du corps, de l’intimité. C’est le début d’une résilience.

Dé/reconstruire

Le viol est une prise de pouvoir sur une personne. Et comme les intervenantes de Viol-Secours Jennifer Mercure et Marie-Ève Brunet l’ont rappelé ce mercredi durant la causerie qui suivait la pièce, le récit – comment raconter, quoi raconter, à qui –, c’est souvent le peu qu’il reste aux victimes.

Ce récit, La Nuit du 4 au 5, est celui de Rachel Graton. Paru sous forme de livre, il a aussi connu une adaptation télévisuelle. Le Théâtre de l’Impie lui donne ici une forme nouvelle, mûrement aboutie, fruit de la collaboration de chaque membre de l’équipe, conseillée par les intervenantes susnommées.

Et chaque personne assise dans la salle y collera les morceaux de sa propre expérience.

La Nuit du 4 au 5 est présentée jusqu’au 21 mai au théâtre Premier Acte.

¹ http://www.rqcalacs.qc.ca/statistiques.php

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