Vingt ans ont passé depuis l'Opération Scorpion, mais Roger Ferland se souvient de chaque détail comme si c'était hier. L'ex-sergent-détective du SPVQ dévoile les dessous de cette enquête sur la prostitution juvénile à Québec. L'enseignant en techniques policières au Cégep Garneau signe ce livre avec la criminologue et sociologue Maria Mourani.
Opération Scorpion : un livre 20 ans plus tard
Vingt ans ont passé depuis l’Opération Scorpion, mais Roger Ferland se souvient de chaque détail comme si c’était hier. L’ex-sergent-détective du SPVQ dévoile les dessous de cette enquête sur la prostitution juvénile à Québec. L’enseignant en techniques policières au Cégep Garneau signe ce livre avec la criminologue et sociologue Maria Mourani.
Opération Scorpion propose un compte-rendu des événements. Le livre entraîne les lecteurs dans les coulisses d’une opération qui a secoué le Québec tout entier. Maria Mourani y relate les défis rencontrés par les enquêteurs, Roger Ferland et Christian Mailly.
Une enquête courte et prenante
L’Opération Scorpion a profondément marqué Roger Ferland. Ce dernier qualifie cette affaire comme la plus difficile de sa carrière.
« C’est de loin l’enquête qui a nécessité le plus de ressources personnelles et organisationnelles dans un si court laps de temps. »
Stupéfiants, disparitions, fugues, intimidation, fraudes, crimes sexuels et violents : tout y était. Les témoignages des victimes ont été durs à entendre.
« On avait tout ça simultanément, en très peu de temps, avec plein de victimes, des témoignages différents qu’il fallait toujours corroborer, explique M. Ferland. Ça a rendu le travail extrêmement difficile. »
L’opération policière a débuté le 19 septembre et s’est soldée le 17 décembre 2002 par le démantèlement de quatre réseaux de prostitution juvénile. 16 proxénètes ont été arrêtés. Ceux-ci contrôlaient 70 mineures âgées de 14 à 17 ans. Les jeunes filles offraient des services sexuels moyennant rétribution. 15 clients ont subi le même sort, dont des figures publiques, comme l’animateur de radio Robert Gillet.
Une opération d’envergure
L’intégrité des jeunes filles était en cause. Il n’y avait pas de temps à perdre. Roger Ferland et son partenaire ont d’abord recueilli les déclarations des victimes.
« On est partis de relevés cellulaires, de déclarations des parents, de témoins. Bref, de tous les gens qui pouvaient corroborer les événements. »
Ils ont ensuite écrit un affidavit, soit un texte rassemblant tous les éléments de preuve.
« On a pris conscience qu’il y avait un réseau qui exploitait ces jeunes filles, toute une équipe qui les manipulait. »
Puis, les policiers ont fait de l’écoute électronique pendant plus d’un mois. Pas moins de 27 000 conversations, en sept langues, ont été captées.
« Tout de suite, on a vu apparaître des clients, des jeunes filles. Rapidement, la liste des victimes s’est allongée. On s’est aperçus aussi que les proxénètes étaient agressifs et contrôlant. »
Par la suite, l’enquête a pris la forme d’une surveillance physique. Des agents doubles comme André Pélissier alias « Monsieur Soleil » ont joué les entremetteurs.
« Il fallait s’assurer de ce qu’on entendait. On a réalisé que les proxénètes offraient des jeunes filles mineures, se remémore M. Ferland. On s’est fait expliquer exactement la façon de procéder, si on voulait partir une business comme eux et faire de l’argent. C’est comme ça qu’on a appris leur modus operandi. »
Une responsabilité envers les victimes
Ainsi, l’urgence de la situation a nécessité l’utilisation de grands moyens.
« Il fallait qu’on protège ces victimes, souligne Roger Ferland. En moins de trois mois, on est parvenus à des résultats. Après 38 jours, on a fermé ça et on a procédé à des arrestations. »
Pourtant, d’autres enquêteurs avaient traité ce dossier avant eux, en vain.
« Les victimes étaient traitées comme des personnes qui ne voulaient pas se plaindre, rappelle l’ancien policier. Alors qu’aujourd’hui, on comprend beaucoup mieux ça, la violence conjugale, les agressions sexuelles.
Si tu ne te bats pas autant que les victimes et que tu ne te mets pas des conditions gagnantes, que tu ne portes pas d’empathie envers elles, comme enquêteur, tu n’auras jamais de résultats, dit-il. Parce que souvent, les victimes mentent à leurs intervenants scolaires, à leurs parents. En fait, elles se mentent à elles-mêmes. Elles sont en amour avec un gars qui les manipule. Mais toi, tu dois les rendre crédibles après ça à la cour. »
Malgré les accusations déposées, les deux enquêteurs n’étaient pas encore au bout de leur peine.
« L’enquête a été courte, mais ça a pris au-delà de trois ans se défaire des poursuites judiciaires parce qu’on était poursuivis de tout bord tout côté. »
L’Opération Scorpion : une affaire choquante
Le 18 décembre, Roger Ferland et Christian Mailly ont médiatisé l’affaire.
« 31 nouvelles victimes se sont alors manifestées, portant le total à 61. C’est le nombre de victimes qui ont fait des déclarations à la police. »
Des mineures sous le joug de proxénètes du crime organisé et des clients connus : les détails de l’affaire ont choqué le public à l’époque.
« Ce qui était frappant, c’est qu’ils y avait des gens de pouvoir là-dedans, des gens d’image. Ces personnes étaient symboliquement très importantes pour la ville. Des propriétaires d’entreprises, des personnalités publiques. »
En fin de compte, ces personnes menaient une double vie.
« Ces gens se permettaient, par leur statut, d’abuser de jeunes filles mineures. »
Publié aux Éditions de l’Homme, le livre Opération Scorpion est en vente en librairie au coût de 32,95 $.
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