Les Énergies latentes. Paul-Émile Borduas au présent : « très fort, le coup de cœur »
Jusqu’au 24 avril 2022, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) présente l’exposition Les Énergies latentes. Paul-Émile Borduas au présent, créée à partir du don de huit tableaux par les mécènes Michael Audain et Yoshiko Karasawa.
Redécouvrir Borduas. Par le biais d’une mise en espace très efficace et d’une contextualisation intelligente des toiles, l’exposition du MNBAQ propose une immersion intense dans le mouvement émanant de la production de ce maître québécois dans les années 50.
Période féconde pour l’artiste de Mont-Saint-Hilaire, mais également période d’essais et de remises en question. Borduas étudie la relation entre le blanc et le noir, il expérimente avec l’effet de profondeur, il s’interroge sur les liens entre la nature et l’être humain, dans des toiles tantôt épurées, tantôt foisonnantes. L’œuvre est énergie, mouvement, action, réflexion.
La première zone regroupe les tableaux « Chatterie » et le fantastique « Figures schématiques ». L’œil est aspiré par les quelques touches de couleur dans ces océans de blanc. D’emblée, la discussion s’entame, car sous cette apparence de tranquillité se cachent des remous d’une force indéniable. On y perçoit tour à tour trois personnes essayant d’entrer en communication, mais incapables de combler le fossé les séparant et des plaques tectoniques en déplacement, sans savoir si elles se regroupent ou s’éloignent. Il en ressort non pas le vide, mais l’anticipation d’une connexion.
À mi-parcours, les toiles « Graphisme » et « Arabesque » proposent quant à elles une explosion de couleurs, qui n’est pas sans rappeler un exercice de calligraphie ou une exploration de la nature. Des oiseaux sur une branche, chantant à gorge déployée, ou une troupe de danseurs en pleine répétition d’une chorégraphie nouvellement apprise, Borduas dialogue ici avec le mouvement assumé, dans une optique d’occupation spatiale acharnée.
S’ensuivent les superbes « Modulation aux points noirs » et « Sans titre (1957) ». Tableaux structurés, texturés, jouant avec le bleu et le rouge et analysant plus en profondeur la relation entre la forme, le fond et la lumière. L’œil y devine du sang sur de la neige, des plaques de glace ou une débâcle printanière particulièrement agressive. On sent l’équilibre précaire, le tourbillon sous-jacent, et l’imminence d’une renaissance.
Très fort, le coup de cœur de l’exposition.
Conversation avec des artistes contemporains
L’énergie et le dialogue mis en place par les toiles de Borduas sont agréablement entrelacés avec des œuvres plus actuelles, nouvellement acquises par le MNBAQ, qui viennent bonifier la compréhension des différentes thématiques abordées et amorcer des discussions importantes sur l’identité et le colonialisme.
On retient particulièrement les perlages de Nadia Myre, artiste anishinaabe, avec son percutant « Indian Act », qui entremêle perles rouges et blanches dans une critique bien sentie de ce texte législatif, et le tissage de Michaëlle Sergile, qui illustre un texte de Frantz Fanon à l’aide de laine blanche, noire et brune.
Magistral et déstabilisant.
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179, Grande Allée Ouest, Québec (Québec), G1R 2H1
179, Grande Allée Ouest Québec (Québec), G1R 2H1
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