On retrouve sur différents immeubles de Québec 135 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l'histoire de la ville. Hayda Denault (1899-2001) a été la toute première travailleuse sociale de Québec, en plus de contribuer à fonder l'ancêtre de Centraide.
Ici vécut: Hayda Denault, au 306-308, rue Jeanne-d’Arc
On retrouve sur différents immeubles de Québec 135 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l’histoire de la ville. Hayda Denault (1899-2001) a été la toute première travailleuse sociale de Québec, en plus de contribuer à fonder l’ancêtre de Centraide.
Tout récemment, l’organisme Centraide Québec et Chaudière-Appalaches lançait sa collecte de dons 2023. Les fonds amassés sont destinés à une multitude d’organismes et projets communautaires de la grande région de Québec.
Centraide Québec et Chaudière-Appalaches existe depuis 1945. Au départ, l’organisme portait cependant le nom de Conseil central des œuvres de Québec.
Il s’agit d’un des nombreux héritages laissés par Hayda Denault, qui consacra une grande partie de sa vie au travail social et à l’enseignement, en plus du journalisme.
Fille de journaliste
Hayda Denault est née en 1899, à Montréal. Son père, Amédée Denault, venait de Beloeil, tandis que sa mère Maria Alba Bernard provenait de Valleyfield.
Amédée Denault est alors journaliste. Il travaille notamment pour La Minerve et pour Le Monde illustré à la fin du 19e siècle. Sa plume fut particulièrement teintée par le nationalisme canadien-français et la ferveur catholique.
En 1906, il part avec sa famille vers Nominingue, dans une Abitibi en pleine colonisation. La Coopérative des colons du Nord choisit Amédée Denault comme secrétaire. Il est aussi nommé directeur de L’Ami du Colon, un hebdomadaire créé par la coopérative.
En 1909, le journaliste est invité à Québec pour organiser le secrétariat général des oeuvres fédérées par l’Action sociale catholique. Il écrit également pour le quotidien L’Action sociale (qui devient L’Action catholique en 1915). Il est désormais établi avec sa famille à Québec, sur la rue Jeanne-d’Arc.
La jeune Hayda termine donc sa scolarité à Québec.
Fonction publique et journalisme
Après ses études, Hayda Denault devient fonctionnaire au Département de l’impôt sur le revenu. Elle demeure à ce poste pendant une dizaine d’années.
Entre 1928 et 1930, la jeune femme part vivre à Montréal. Elle s’y fait des amies irlandaises, en plus de développer des liens avec les milieux socialistes de la métropole.
De retour à Québec en 1930, elle rêve de devenir journaliste, comme son père et son frère. Hayda Denault est engagée au Journal, un hebdomadaire et organe politique du Parti conservateur. Elle fait la rencontre de Louis Francoeur, qui lui montre les rudiments du métier.
En 1934, après la fermeture du Journal, Hayda Denault fait son entrée au Soleil. Elle s’occupe principalement des pages féminines, en plus de signer des chroniques et de préparer des nouvelles à la radio.
En s’occupant du courrier, elle répondait aussi aux problèmes de multiples ordres soumis par des lectrices : psychologiques, sociaux, familiaux, etc. Avant même de savoir ce que c’était, elle avait ainsi commencé à faire du travail social.
«Je me suis rendue compte, par les gens qui venaient demander du secours, qui venaient pour pouvoir parler de leurs problèmes, je me suis rendu compte qu’il manquait une profession », affirme-t-elle, lors d’une entrevue accordée en 1984.
Hayda Denault quitte finalement le Soleil, en 1939, pour prendre du repos. Pendant ses deux dernières années de travail comme journaliste, elle suivait également des cours de l’École des sciences sociales de l’Université Laval, créée en 1932 par le père Georges-Henri Lévesque.
Retour aux études
Après son passage en journalisme, Hayda Denault part étudier en service social à Montréal. Elle débute dans une école affiliée à l’université McGill, avant de poursuivre vers l’École de service social rattachée à l’université de Montréal, en 1940.
Après l’obtention son diplôme, elle revient à Québec. Elle pense alors que le père Lévesque souhaitait ouvrir une chaire en service social. Entretemps, elle reçoit des offres d’emploi à Montréal.
En 1941, elle compte accepter le poste offert de journaliste aux pages féminines de la Revue moderne, mais le père Lévesque rapplique et souhaite qu’elle demeure à Québec, comme travailleuse sociale.
La Seconde Guerre mondiale avait créé des besoins. Le Bureau de la Défense nationale souhaitait que du travail social se fasse dans les différents bureaux, pour aider les familles des soldats.
«C’était des services auprès des familles pour les protéger, voir à ce qu’on subisse l’absence du père de famille d’une façon à peu près normale, donner de l’aide, faire des suggestions», précisait Mme Denault.
C’est ainsi qu’elle est devenue la première travailleuse sociale de Québec.
École de service social
Hayda Denault poursuit son œuvre de pionnière, en compagnie du père Georges-Henri Lévesque.
Comme elle le constate en rédigeant sa thèse, il n’existe pas vraiment de services sociaux à Québec. Tout est encore à faire.
En 1943, le Service familial de Québec ouvre ses portes, tout comme l’École de service social de l’Université Laval. Au préalable, certains professeurs ont d’abord suivi une formation aux États-Unis en service social, avant de revenir enseigner à Québec.
Le développement du tout premier cours de service social s’est fait dans la maison d’Hayda Denault.
Le père Gonzague Poulin est devenu le premier directeur de cette nouvelle École de service social.
De son côté, Hayda Denault y a enseigné de 1943 à 1970, en plus d’assurer la direction du Service familial de 1943 à 1951. Elle a supervisé de nombreux stages, en plus d’offrir le cours de case-work, d’abord intitulé Théories et techniques d’un service social personnel.
Du Conseil des Œuvres à Centraide
À l’époque, on souhaite aussi revoir le système d’assistance à Québec, qui est assumé par des organisations variées, mais pas toujours sur des bases professionnelles.
Le nouveau Conseil central des Œuvres de Québec apparaît en 1944, sous la supervision de religieux, de laïcs et de professionnels des services sociaux, comme Hayda Denault.
Cette organisation distribue directement les sommes allouées pour la région, que ça vienne des fonds publics ou des activités de financement, à différentes œuvres affiliées.
À travers les années, l’organisme changera plusieurs fois de nom : Conseil des oeuvres et du bien-être de Québec (1966), Plume Rouge (1973) et finalement Centraide (1975), qui existe toujours.
L’organisme a même été présidé par Bruno Marchand pendant sept ans, avant que celui-ci ne se décide de se lancer en politique municipale et remporte la mairie de Québec.
Enseignement et implication
De son côté, Hayda Denault a poursuivi son engagement pendant plusieurs décennies. Elle a pris sa retraite de l’enseignement en 1965.
Elle a également été sur le comité de rédaction de la commission Castonguay-Nepveu (1969-1972), portant sur la santé et le bien-être social. Celle-ci conduira à une réforme du milieu de la santé.
En 1975, Hayda Denault reçoit l’Ordre du Canada, grâce à son rôle de «pionnière des services sociaux au pays».
Elle s’éteint le 5 janvier 2001 à Québec, à l’âge de 101 ans. Elle fut ensuite inhumée au cimetière de Saint-Mathieu-de-Beloeil, d’où venait son père.
Aujourd’hui, la plaque apposée à l’extérieur d’une maison du quartier Montcalm rappelle modestement le rôle de premier plan qu’elle a joué dans le développement des services sociaux à Québec.
Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici vécut.
Sources:
Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, «Redécouvrir les leaders en travail social: Hayda Denault», McMaster School of Social Work Leadership Archive, 1984, Youtube.
Centraide, «À propos de nous».
Centre interuniversitaire d’études québécoises, «Conseil central des oeuvres de Québec (puis Plume rouge, puis Centraide) (02/08/1944)», Naître et grandir à Québec – 1850-1950, exposition virtuelle.
Fédération québécoise des sociétés de généalogie, «Hayda Denault», 8 janvier 2001.
Le Soleil, «Une ancienne journaliste du SOLEIL fête ses 100 ans aujourd’hui», 10 août 1999, p. A4, Bibliothèque et archives nationales du Québec.
Ville de Québec, «Fiche d’un bâtiment patrimonial – 306 à 308, rue Jeanne-d’Arc», Répertoire du patrimoine bâti.
Ville de Québec, «Hayda Denault», Fiche du patrimoine bâti.
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