Madra: une escalade irrépressible

Suspense psychologique intimiste, Madra met en scène une famille mononucléaire ébranlée par un incident relativement anodin, mais qui aurait pu avoir de graves conséquences.

Cette production du Théâtre Bistouri, présentée au Théâtre Périscope, campe l’escalade du doute, de la méfiance, de la peur et de l’angoisse chez les parents. Elle illustre comment ces états d’esprits bouleversent le fragile équilibre mental des protagonistes.

Alex (Marc-André Thibault) et Madra (Sylvie De Morais-Nogueira) ont un fils, Gabriel, la prunelle de leurs yeux. Alors que Gaby est sous la garde de Claire (Louise Bombardier), un enchainement de circonstances, conté naïvement par une grand-mère encore enthousiasmée de sa journée avec son petit-fils, vient ébranler les relations de confiance entre les parents et l’aïeule, puis saboter le sentiment de confiance de la mère envers tout étranger. Alex réagit promptement aux révélations de Claire, alors que chez Madra, le mal s’insinue graduellement et engendre des répercussions préjudiciables lorsque l’inquiétude atteint le paroxysme de la vigilance et de la suspicion.

Sur la corde raide

La montée dramatique de la pièce est finement ciselée. L’autrice Frances Poet, de nationalité écossaise, a par ailleurs été récompensée par le Writers’ Guild Best New Play Award (2019) et le UK Theatre Award for Best Play (2018) pour cette œuvre, dont le titre original, Gut, est un terme viscéral pour parler d’une réaction instinctive non basée sur la raison et la réflexion. 

La traduction de Marc-André Thibault conserve toute la charge émotive de la pièce que la metteure en scène, Marie-Hélène Gendreau, sublime avec finesse. Le personnage de Madra est interprété avec une grande sensibilité. La tension et les tiraillements de cette mère prisonnière de ses hantises paranoïaques sont palpables et gardent les spectateurs en alerte. Frédéric Blanchette, dans les multiples rôles de l’Inconnu, manie par ailleurs les différentes facettes de la menace et de la sécurité en entraînant le public avec lui sur la corde raide de l’ambiguïté.

Madra versus Drama

Drama en verlan, cette connotation fait référence à une esthétique théâtrale basée sur le réalisme de l’histoire et sur l’importance accordée au jeu des acteurs et au décor, mais également à un événement qui porte sur les malheurs de la vie courante. La scénographie de la pièce, sombre et sobre, laisse une grande place à l’interprétation, tout en ajoutant du poids à l’intrigue. La couleur des éclairages, la transparence de la musique, la patine des accessoires et du décor ainsi que les multiples ouvertures d’un espace qui ne peut protéger de l’extérieur convergent vers un climax aussi prévisible que surprenant.

Reportée à deux reprises pour cause de pandémie, cette œuvre devrait connaître à Québec le même succès qu’elle a remporté lors de sa création à La Licorne, à Montréal, en 2019. La maîtrise de l’interprétation alliée à l’intelligence du texte et à l’acuité de la mise en scène sont des gages de cette réussite.

La pièce Madra est présentée au Théâtre Péricope jusqu’au 25 novembre 2003. Les billets sont en vente à cette adresse : https://theatreperiscope.qc.ca/spectacle/madra/