Une résidente du quartier Montcalm qui s'identifie comme fière Montcalmoise a transmis le texte qui suit à Monmontcalm.
Piétonnisation estivale : pour un partage plus équitable de l’avenue Cartier
Une résidente du quartier Montcalm qui s’identifie comme fière Montcalmoise a transmis le texte qui suit à Monmontcalm.
J’habite l’avenue Cartier depuis près de 7 ans. J’y ai élu domicile, dans un quartier qui, à mes yeux, constitue le cœur battant de notre ville. Je chéris son cinéma, sa librairie, ses bars et cafés, ses luminaires qui tamisent l’ambiance de l’avenue. J’ai été inquiétée par le désaveu[1] de la SDC Montcalm à l’endroit de la piétonnisation estivale en janvier dernier. Scellait-il le sort de l’avenue pour les prochains étés? La décision quant à cette éventualité relève-t-elle uniquement des commerçant.e.s ?
J’explique ici les raisons pour lesquelles j’adhère à la piétonnisation. Ces raisons touchent à la viabilité de nos commerces de proximité, à la sécurité ainsi qu’à la mixité sociale. La vocation de l’avenue, faut-il le rappeler, n’est pas strictement commerciale. Elle est aussi culturelle, sociale, résidentielle (dans mon cas), et l’ensemble des acteur·rice·s concerné·e·s ont voix au chapitre. La concertation est la condition du succès.
Un moyen efficace pour valoriser le commerce de proximité
Je partage entièrement la préoccupation exprimée par la SDC Montcalm au sujet de la nécessité d’assurer la viabilité de nos commerces de proximité. Notre mésentente porte sur les moyens à utiliser pour combler ce désir de privilégier l’achat local. Or la piétonnisation est un moyen efficace. Diverses initiatives prises à l’été 2020 et documentées par Piétons Québec[2] ont montré qu’une majorité de commerçant·e·s ont observé une augmentation de leur chiffre d’affaires et de l’achalandage dans les quartiers concernés par des aménagements piétons dans différentes villes du Québec. Les défis qu’appréhendaient les commerçant·e·s ont pu être relevés par le biais d’une concertation assortie de mesures conséquentes : des zones précises ont ainsi été dédiées à la réception et à la livraison de marchandises, et des camions plus compacts ont permis d’en faciliter l’exécution.
Également, un rapport synthèse[3] des expériences de rues piétonnes commerciales de Montréal à l’été 2021 produit par la firme Arpent et rapporté par le Devoir dans son édition du 11 juillet 2022 montrait que 83% des établissements sondés avaient connu une augmentation de leurs ventes grâce à la piétonnisation, les bars et restaurants montrant un taux de satisfaction plus marqué que les établissements de service. Sans perdre de vue la spécificité de la ville de Québec, à travers le monde, nombreuses sont les initiatives où la piétonnisation s’est traduite par des retombées commerciales appréciables, notamment en France, à Melbourne et en Oregon[4].
Non seulement les profits des commerces ne sont-ils pas compromis par la piétonnisation, mais ils ne devraient pas constituer le principal critère à l’aune duquel les décisions sont prises en matière d’aménagements urbains. Au-delà des coûts économiques allégués (sans chiffres à l’appui) par les membres de la SDC Montcalm, leur réflexion fait l’impasse sur les coûts – considérables – de la prépondérance des voitures en ville. Ce coût est social et environnemental, entre autres choses.
Mixité et sécurité
À titre personnel, je m’inscris en faux quant à la réputation qui colle au quartier Montcalm depuis tellement d’années : celle d’être mondain, élitiste, voire infréquentable du point de vue des franges moins favorisées de notre ville. Les rues piétonnes, larges et passantes, créent un brassage. Elles offrent des opportunités de nous rallier toutes et tous à des occupations communes, de partager le mobilier urbain et de nous rencontrer. Surtout, l’improbable peut, en ce genre de circonstance, encore survenir, fait rare dans nos vies que les algorithmes règlent jusque dans leurs moindres détails.
Au-delà des retombées économiques, la question de la sécurité des usager·ère·s de la route est incontournable. Pas une journée ne passe sans qu’un automobiliste sans vergogne ne brûle un feu rouge à l’intersection de l’avenue Cartier et du boulevard René-Lévesque. Les piéton·ne·s, qui se dénombrent souvent par dizaines à ce passage, ne forment pas une masse suffisamment critique pour réfréner les ardeurs des chauffards et tôt ou tard, ceux-ci faucheront une vie si rien n’est établi. Le fait de marcher sur l’avenue appelle une vigilance de tous les instants sous peine de subir les conséquences de l’inattention d’un conducteur.
L’essai Ville contre automobiles[5], vibrant plaidoyer signé par Olivier Ducharme, un habitant de la ville de Québec, ouvre le champ des possibles. Il donne à saisir les biais qui ont façonné – et qui façonnent toujours notre manière de planifier l’espace urbain : celui-ci est pensé en fonction de l’automobile. Cette vision est dépassée; il est permis d’en épouser d’autres.
M.R. [6]
[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1950101/sdc-montcalm-avenue-cartier-pietons-sondage
[2] https://www.pietons.quebec/sites/default/files/documents/pietonsqc_portrait_amenagements_covid-19.pdf
[3] https://www.ledevoir.com/economie/732294/une-pietonnisation-positive; https://www.larpent.ca/projets/rapport-synthese-rues-pietonnes-montreal-2021/
[4] https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/ddr-fermer-les-rues-aux-voitures/
[5] https://ecosociete.org/livres/ville-contre-automobiles
[6] Les textes des sections Opinions ou Courrier des lecteurs des médias d’information sont généralement signés. Comment toutefois jurer hors de tout doute que les signataires ont fourni leur nom complet véritable? Pour les articles journalistiques, certaines circonstances justifient qu’on préserve l’anonymat des sources. C’est dit dans les codes d’éthique… À la lumière de cette réflexion, La Rédaction de Monquartier/Monmontcalm a jugé acceptable de publier ce texte signé par des initiales.
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