Ici vécut : Herménégilde Lavoie, au 477, rue Dolbeau

On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué à leur façon l’histoire de la ville. Herménégilde Lavoie (1908-1973) a été un pionnier du cinéma québécois, faisant découvrir le Québec à travers une soixantaine de films. Il a également occupé des rôles importants dans la fonction publique importante.

À Québec, les plus grosses semaines de la saison touristique approchent à grands pas. La comédie romantique Chez les beaux-parents, mettant notamment en vedette Evelyne Brochu, Luc Picard et Zach Braff, offrent d’ailleurs des images idylliques de la capitale.

Bien avant que des productions américaines utilisent la ville de Québec ou les différentes régions de la province comme écrin, des réalisateurs d’ici ont filmé le territoire, laissant ainsi disponibles pour la postérité des images d’une autre époque.

Bien que l’abbé Maurice Proulx soit peut-être davantage connu pour ses documentaires, Herménégilde Lavoie est aussi un cinéaste (laïc, dans son cas) qui a fait découvrir le Québec, ses régions et ses traditions.

Travail en tourisme et débuts de photographe

Herménégilde Lavoie voit le jour à Saint-Jérôme, au Lac-Saint-Jean, en 1908. Depuis, la municipalité a pris le nom de Métabetchouan en 1975. La ville a ensuite fusionné avec sa voisine en 1999 pour devenir Métabetchouan – Lac-à-la-Croix.

Peu après des études en architecture, qu’il ne complètera pas, Herménégilde Lavoie est embauché par l’Office de la publicité et du tourisme. Il y travaille de 1928 à 1948. Il occupe le rôle d’agent de liaison pour différents conférenciers, artistes et cinéastes en visite au Québec. Herménégilde Lavoie fut aussi membre du Conseil du tourisme de la province et secrétaire du Conseil du tourisme de l’Île d’Orléans.

Pendant cette vingtaine d’années, il participe aussi à l’organisation de syndicats d’initiative, à l’ouverture de bureaux de renseignement, à des campagnes de conservation du patrimoine architectural, en plus de mettre sur pied des cours d’hôtellerie.

À travers tout ça, Herménégilde Lavoie fait également de la photographie et du cinéma. Ses photos sont effectuées pour le Service de ciné-photographie (SCP) de la province de Québec, afin de faire des publicités pour l’Office du Tourisme. De plus, il réalise une dizaine de films portant sur le Québec et sur ses traditions populaires.

Le SCP, créé en 1941, deux ans après l’Office national du film du Canada (ONF), privilégiait une vision différente de l’organisme fédéral. La dimension picturale était plus importante que l’esthétique ou la narration, et s’ancrait davantage dans les traditions orales du Québec.

Dans sa série de films intitulée Les Beautés de mon pays, Herménégilde Lavoie est allé dans Charlevoix, en Gaspésie, sur l’île d’Orléans et à Québec, en plus de faire découvrir les sports d’hiver ou le temps des sucres, de même que des artistes, comme les sculpteurs Bourgault de Saint-Jean-Port-Joli.

Congédiement, fondation des Documentaires Lavoie et de LA BELLE PROVINCE

Herménégilde Lavoie a développé une préoccupation particulière pour des enjeux comme l’urbanisme et la préservation du patrimoine architectural. Ses convictions lui coûteront d’ailleurs son poste dans la fonction publique, qu’il occupait depuis 20 ans.

À la fin des années 1940, il doit faire respecter la loi sur l’urbanisme à l’île d’Orléans. Il connaît alors un différend avec le premier ministre Maurice Duplessis, qu’il accuse d’avoir peu de considérations pour le patrimoine architectural. Ses critiques lui valent un congédiement, à l’âge de 39 ans, alors qu’il avait six bouches à nourrir et une pension de 1000 $ par année.

Après sa perte d’emploi, il fonde sa propre compagnie de réalisation de films, les Documentaires Lavoie.

Il réalise des commandes pour des clientèles variées : films industriels, touristiques, religieux, éducatifs. etc. Herménégilde Lavoie obtient d’ailleurs des contrats avec l’État québécois. Par exemple, Stop (1957) est un film de sensibilisation à la sécurité routière commandité par le ministère des Transports et Communications.

Son fils Richard l’a accompagné dans la réalisation de plusieurs films.

En plus de sa compagnie, Herménégilde Lavoie devient aussi directeur de la revue artistique et éducationnelle LA BELLE PROVINCE en 1948. Les articles qui y sont publiés portent sur l’architecture canadienne, aux arts domestiques, à l’hygiène, la santé, au tourisme, au cinéma et à l’agriculture et à l’embellissement des campagnes canadiennes.

Le travail accompli par Herménégilde Lavoie pourrait se rapprocher de celui des abbés Albert Tessier et Maurice Proulx.

« Sans être un prêtre-cinéaste (bien que très croyant) comme Tessier ou Proulx, Lavoie partageait leurs préoccupations, leurs valeurs, leur intérêt marqué pour l’agriculture et leur amour du Québec et de ses habitants », écrivait Marie Fallon en 2020 dans un article consacré à Herménégilde Lavoie.

L’UNESCO a d’ailleurs primé deux films d’Herménégilde Lavoie : L’homme et l’hiver et L’homme et le sol, tous deux réalisés en compagnie du géographe Michel Brochu.

Retour dans la fonction publique et héritage

En 1962, Herménégilde Lavoie était de retour dans la fonction publique québécoise, au ministère des Affaires municipales.

Parmi ses responsabilités majeures, il devra notamment négocier auprès de 14 municipalités le contentieux des expropriations pour le futur aéroport de Mirabel.

Trois ans après sa retraite, Herménégilde Lavoie rend l’âme à 63 ans, le 24 février 1973. Il vivait alors dans le secteur de Sainte-Foy.

Il a transmis sa passion pour le cinéma à son fils Richard, dont le plus récent film date de 2020 et porte sur une tragédie maritime aux Îles-de-la-Madeleine.

En 1975, Richard Lavoie avait aussi présenté aux Beaux Dimanches un documentaire rendant hommage à son père : Herménégilde, vision d’un pionnier du cinéma québécois : 1908-1973

Un important fonds d’archives porte sur Herménégilde Lavoie chez Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Par ailleurs, plusieurs films sont aussi disponibles et permettre de découvrir d’étonnantes images en couleurs de Québec, prises dans les années 1940 et 1950.

Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici vécut.

Sources

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, «Fonds Herménégilde Lavoie [Vers 1923]-1976».

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, «Herménégilde Lavoie, fondateur de « Les Documentaires Lavoie »», 12 septembre 2023.

FALLON, Marie, «Herménégilde Lavoie ou l’embelissement du cinéma documentaire québécois», Nouvelles vues, no 21, 2020-2021, p. 1-35.

Le Soleil, «LAVOIE (Herménégilde)», 27 février 1973, p. 43.

Université de Sherbrooke, « Première du documentaire «Herménégilde, vision d’un pionnier du cinéma québécois : 1908-1973 », Perspective Monde.

Ville de Québec, «Fiche d’un bâtiment patrimonial – Habitations Manrèse», Répertoire du patrimoine bâti.