On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué à leur façon l'histoire de la ville. Jean-Marie Lemieux (1939-1985), qui a vécu sur l'avenue Casot jusqu'à son décès, est un comédien qui a laissé sa marque sur le paysage théâtral de Québec, malheureusement mort à 45 ans.
Ici vécut : Jean-Marie Lemieux, au 915, avenue Casot
On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué à leur façon l’histoire de la ville. Jean-Marie Lemieux (1939-1985), qui a vécu sur l’avenue Casot jusqu’à son décès, est un comédien qui a laissé sa marque sur le paysage théâtral de Québec, malheureusement mort à 45 ans.
Le printemps est toujours un moment fertile pour le théâtre à Québec. Alors que les dernières pièces de la saison théâtrale sont présentées dans les différentes institutions de la Capitale, les programmations de la saison à venir sortent aussi graduellement. Cette semaine, le Trident dévoilait d’ailleurs les pièces présentées l’an prochain.
Le Carrefour international de théâtre prendra aussi son envol le 23 mai prochain. La collègue Anne Charlotte Gillain présentait la programmation le 28 mars dernier. Il ne reste qu’à connaître l’endroit et la thématique de la nouvelle version du spectacle déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant…?
Le Carrefour a vu le jour en 1991, mais un autre événement de théâtre d’envergure international s’était déroulé quelques années auparavant, développé notamment grâce au leadership du comédien Jean-Marie Lemieux.
De la médecine au théâtre
Jean-Marie Lemieux est né le 14 décembre 1939 à La Pocatière. Il fait ses études primaires dans cette ville du Bas-Saint-Laurent chez les Frères du Sacré-Cœur.
Il se dirige ensuite vers Beauport, où il suit son cours classique à la maison des Pères du Sacré-Cœur. Jean-Marie Lemieux entre ensuite au Petit séminaire de Québec.
En 1961, le jeune homme de 20 ans est admis à la faculté de médecine de l’Université Laval. Après deux ans, il abandonne cette voie pour suivre sa vocation d’acteur, qu’il avait exploré notamment dans la Troupe des Treize, à l’université. Jacques-Henri Gagnon, qui fut directeur général de Radio-Canada à Québec, l’avait convaincu qu’il avait du talent. Lemieux s’inscrit donc au Conservatoire d’art dramatique de Québec, d’où il gradue en 1966.
Il sort d’ailleurs de son école de théâtre avec trois premiers prix (comédie classique, théâtre contemporain et tragédie classique), pour lesquels ils obtient la note «très grande distinction».
Carrière foisonnante et rôles de premier plan
Après sa sortie du Conservatoire, Jean-Marie Lemieux a enchaîné les rôles et les pièces d’importance, autant dans le répertoire classique international que dans le théâtre québécois.
«Jean-Marie Lemieux était un comédien puissant qui ne craignait pas de prendre des risques et ne se satisfaisait pas de demi-mesures. Il adorait passionnément son métier et, en moins de 20 ans de présence sur les planches, avait tenu quelques 80 premiers rôles dans des textes où Anouilh, Steinbeck, Claudel et Tennessee Williams voisinaient Shakespeare, Feydeau, Molière, Brecht, Giraudoux, Ben Johnson, Strindberg et Shaffer », écrivait la journaliste du Soleil Martine R.-Corrivault, au lendemain de son décès, en novembre 1985.
Un de ses rôles majeurs fut notamment celui de Mgr Joseph Charbonneau, dans Charbonneau et le Chef, de John Thomas McDonough. La pièce est présentée lors de la première année du Trident, en 1971, et oppose Lemieux, interprète de l’archevêque de Montréal, à Jean Duceppe, qui interprète le premier ministre du Québec Maurice Duplessis. Jouée à guichets fermés, cette pièce revient sur la grève de l’amiante à Asbestos en 1949.
À la télévision, on a pu voir Jean-Marie Lemieux dans des émissions comme Laurier, Camilien Houde, Race de monde, Du tac au tac, La petite patrie, D’Iberville et Les belles histoires des pays d’en haut.
Sur le grand écran, il a aussi joué dans Les Yeux rouges, d’Yves Simoneau, Parlez-nous d’amour, de Jean-Claude Lord, et Partis pour la gloire, de Rodolphe Moreau.
Théâtre du Bois de Coulonge : du théâtre en été plutôt que du théâtre d’été
Habituellement, le théâtre d’été rime avec comédies légères. Jean-Marie Lemieux, de son côté, souhaitait offrir du théâtre de répertoire pendant la période estivale.
Dans les années 1970, le gouvernement québécois cherchait une nouvelle vocation au parc du Bois de Coulonge, dont la villa et la résidence principale avaient été détruites par le feu en 1966. En 1974, l’ancien lieu de résidence du lieutenant-gouverneur avait accueilli des milliers de spectateurs pour la Superfrancofête.
Les autorités politiques donnent le feu vert au projet déposé par Jean-Marie Lemieux. En 1977, le Théâtre du Bois de Coulonge présente Les grands soleils, de Jacques Ferron, qui revient sur la vie d’Olivier Chénier, patriote mort lors de la bataille de Saint-Eustache en 1837.
Par la suite, bénéficiant d’un appui favorable du gouvernement Lévesque, le théâtre dirigé par Jean-Marie Lemieux reçoit une subvention annuelle de 22 000$ du ministère des Affaires culturelles du Québec.
Lemieux est à la fois metteur en scène, acteur, scénographe et parfois surveillant de nuit. Il présente des pièces de Tchekhov, Shakespeare, Molière, Miller, Tremblay, Ferron et Marie Laberge, entre autres.
Après 5 ans d’existence, le Théâtre du Bois de Coulonge a présenté 15 productions, 577 représentations, accueillant plus de 225 000 spectateurs.
En raison de l’incertitude économique et la baisse d’achalandage, l’endroit ferme ses portes au milieu des années 1990, une dizaine d’années après le décès de son fondateur. Il en avait quitté la direction en 1982.
Un festival en legs avant de mourir
En 1984, Jean-Marie Lemieux met sur pied, accompagné de son épouse Rachel Lortie, la Quinzaine internationale de théâtre. Des troupes d’Amérique et d’Europe se rendent alors à Québec .
En plus du Théâtre du Bois de Coulonge, le Café-Théâtre du Vieux-Port accueille également des pièces présentées par des troupes d’ici et d’ailleurs.
«Cette idée de faire de Québec une vraie ville de théâtre, on le doit beaucoup à Jean-Marie Lemieux et Rachel Lortie. D’abord, par le Théâtre du Bois de Coulonge, puis par la création de ce festival international de théâtre qu’était la Quinzaine », affirmait la comédienne Marie-Ginette Guay à la journaliste Valérie Marcoux, dans un article du Soleil du 30 janvier 2022.
Jean-Marie Lemieux ne verra jamais la deuxième édition de cet événement, qui se tient en 1986. Le comédien et metteur en scène rend l’âme le 4 novembre 1985, à l’âge de 45 ans, succombant à un cancer. Malgré la maladie, il était toujours sur la scène de son théâtre à l’été 1985.
Jean-Marie Lemieux s’est aussi fait connaître pour différents coups de gueule. Il a dénoncé les politiques de travail des techniciens de scène en 1976. En 1982, devant le ministre des Affaires culturelles Clément Richard, Lemieux se plaint d’avoir à se battre avec «des fonctionnaires qui ne respectent même pas les règles du jeu qu’ils ont établies.»
Aujourd’hui, le nom de Jean-Marie Lemieux ne résonne plus autant qu’auparavant. Mais si le Carrefour international de théâtre est devenu un événement aussi incontournable pour la vie culturelle de Québec, il y a sans doute un peu à voir avec le travail de pionnier de cet étudiant en médecine devenu comédien.
Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici vécut.
Sources
CARON, Jean-René, «La Quinzaine», Le Théâtre du Bois de Coulonge 1977-1995.
DUMAIS, Jacques, «Lemieux et le chef», Le Soleil, 5 novembre 1985, p. B-4.
GIRARD «La belle époque du Théâtre du Bois de Coulonge», Commission de la capitale nationale du Québec, 29 septembre 2023.
MARCOUX, Valérie, «Un passionné ravive le souvenir du Théâtre du Bois de Coulonge», Le Soleil, 30 janvier 2022.
R.-CORRIVEAULT, Martine, «Au théâtre comme à la ville, son franc-parler l’a servi», Le Soleil, 5 novembre 1985, p. B-12.
R.-CORRIVEAULT, Martine, «Jean-Marie Lemieux ne craignait pas les risques», Le Soleil, 5 novembre 1985, p. B-12.
ST-HILAIRE, Jean, «Une 20e saison incertaine», Le Soleil, 3 avril 1996, p. C-3.
THERRIEN, Richard, «Jean-Marie Lemieux», QuiJoueQui.
Université de Sherbrooke, «Inauguration de la Quinzaine internationale de théâtre à Québec», Perspective Monde, 30 mai 1986.
Ville de Québec, «Fiche d’un bâtiment patrimonial – 915 à 921, avenue Casot», Répertoire du patrimoine bâti.
Ville de Québec, «Fiche Jean-Marie Lemieux», Répertoire du patrimoine bâti.
Lire aussi :
Ici vécut : Gabrielle Roy, au 135, Grande Allée Ouest
On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles r[...]
Ici vécut : Denis Drouin, au 588, rue Saint-François Est
On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles [...]
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.