Ici vécut : Marthe Morisset-Blackburn, au 964, avenue des Érables

On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l'histoire de la ville. Marthe Morisset-Blackburn (1916-1981) a été une scénariste importante pour le cinéma et la télévision. Elle a notamment écrit pour la célèbre émission pour enfants Bobino, mais aussi pour le film Mourir à tue-tête.

<em>Ici vécut</em> : Marthe Morisset-Blackburn, au 964, avenue des Érables | 8 juin 2024 | Article par Simon Bélanger

La scénariste Marthe Morisset-Blackburn a vécu son enfance au 964, avenue des Érables. Cette maison de ville a été construite en 1899, selon les plans de l'architecte Eugène-Michel Talbot. La plaque Ici vécut avait été retirée et est revenue dans les dernières semaines.

Crédit photo: Simon Bélanger - Monmontcalm + BAnQ, Fonds La Presse

On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l’histoire de la ville. Marthe Morisset-Blackburn (1916-1981) a été une scénariste importante pour le cinéma et la télévision. Elle a notamment écrit pour la célèbre émission pour enfants Bobino, mais aussi pour le film Mourir à tue-tête.

Le cinéma et la télévision sont importants dans l’histoire de la Ville de Québec. Rappelons que le Cinéma Cartier, une institution du quartier Montcalm, célébrera son centenaire en 2027.

Récemment, nous apprenions que le populaire réalisateur Ricardo Trogi présidera le jury du Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ), qui en sera à une 13e édition.

En 2023, notre collègue Julie Rhéaume s’était glissée dans les coulisses du tournage du film La petite et le vieux, qui met notamment en vedette Gildor Roy. Des séries télévisées québécoises ont aussi été tournées dans la Capitale dans les dernières années, comme Marco Lachance (avec Michel Charette) ou Escouade 99.

Mais quelques personnalités qui ont résidé à Québec ont aussi apporté une importante contribution à ces arts audiovisuels. On peut penser à Herménégilde Lavoie, un pionnier du documentaire, ou à Maurice Blackburn, important compositeur pour des films de l’Office national du film (ONF).

Maurice Blackburn était d’ailleurs marié à Marthe Morisset-Blackburn, une autre figure importante dans le monde du cinéma et de la télévision.

Enfance à Québec

Marthe Morisset voit le jour à Québec le 22 janvier 1916. Elle est la fille de Fabiola Vézina et d’Alfred Morisset, un médecin et homme politique. Ce dernier, originaire de Sainte-Hénédine, en Beauce, a notamment été député pour le Parti libéral à Québec entre 1904 et 1913. Lors de ses deux dernières années en politique, il a occupé le poste de whip en chef du parti.

Le 16 mai 1913, Alfred Morisset est nommé greffier du Conseil exécutif, poste qu’il occupe jusqu’à son décès en 1952.

En 1913, Alfred Morisset fait aussi l’acquisition de la maison située au 964, avenue des Érables, dans le quartier Montcalm, où toute la famille s’installe.

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Plaque qui était auparavant affichée sur le 964, avenue des Érables, rappelant la présence de Marthe Morisset-Blackburn.
Crédit photo: Wikimedia Commons - Jean Gagnon

Scénariste pour Bobino 

On connaît peu de choses sur la formation de Marthe Morisset. Un article paru dans Le Soleil le 11 décembre 1940 précise qu’une Marthe Morisset aurait triomphé, en compagnie de Jean-Paul Drolet, lors du débat mixte des étudiants de l’Université Laval. Le duo aurait remporté le concours oratoire en défendant l’idée que «l’amour n’est pas une illusion».

Marthe Morisset a occupé un poste de scénariste, d’abord à Radio-Canada, puis à l’Office national du film. En 1943, elle se marie avec le compositeur de l’ONF Maurice Blackburn. En 1948, elle donne naissance à leur unique fille, Esther Rochon (née Esther Blackburn). Celle-ci se spécialise dans l’écriture de science-fiction et la littérature fantastique.

En 1960, le couple collabore sur l’opéra Pirouette, dont la musique a été composée par Maurice Blackburn. Sa conjointe était quant à elle en charge du livret.

À Radio-Canada, elle a également rédigé des scénarios pour la célèbre émission pour enfants Bobino, diffusée de 1957 à 1985.

Marthe Morisset-Blackburn (à gauche) accompagne son mari Maurice Blackburn (centre), qui s’entretien avec le  réalisateur tchèque Bratislav Pojar.
Crédit photo: Fonds La Presse, Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Scénariste prolifique et théâtre féministe

Les années 1970 ont été particulièrement prolifiques pour Marthe Morisset-Blackburn. Pendant cette période, elle entame not une collaboration fructueuse avec la réalisatrice Anne Claire Poirier.

En 1973, une équipe entièrement féminine, notamment formée de Marthe Morisset-Blackburn, scénarise et réalise le documentaire À qui appartient ce gage ?, entre autres produit par Anne Claire Poirier. Le film s’intéresse aux garderies populaires et au besoin de garderies d’état, presque 25 ans avant la mise en place du réseau de Centres de la petite enfance (CPE). Le film est disponible gratuitement sur le site de l’ONF.

L’année suivante, Anne Claire Poirier et Marthe Morisset Blackburn collaborent de nouveau, cette fois sur le documentaire Les filles du Roy, qui s’intéresse aux métiers féminins au Québec. Ce film est aussi accessible gratuitement.

En 1975, les deux femmes se lancent dans la fiction, avec Le temps de l’avant, qui s’intéresse à des enjeux comme la grossesse non désirée, l’avortement et la contraception.

En 1976 et 1977, Marthe Morisset-Blackburn écrit le scénario de deux autres films. D’abord, Shakti, réalisé par Monique Crouillère, s’intéresse aux femmes qui vivent en milieu rural traditionnel en Inde. Ensuite, elle rédige le texte du court métrage d’animation Dernier envol (disponible gratuitement), de Francine Desbiens, qui porte sur l’amitié entre un homme et son oiseau.

En 1976, Marthe Morisset-Blackburn participe aussi à un projet théâtral d’envergure. La nef des sorcières, présentée au Théâtre du Nouveau Monde, est une pièce féministe, au cours de laquelle sept femmes prononcent chacune un monologue. Celui de Marthe Morisset-Blackburn, intitulé Le retour de l’âge, porte sur une femme ménopausée victime de discrimination, en raison de son corps et de son âge. Celle-ci se rebelle contre la société québécoise et l’Église catholique. Cette œuvre militante visait la condamnation du patriarcat. La nef des sorcières est une production phare dans l’art féministe engagé.

Mourir à tue-tête

La condition féminine est présente dans la grande majorité des projets de Marthe Morisset-Blackburn.

Son legs majeur à la cinématographie québécoise est sans doute le film Mourir à tue-tête, coscénarisé avec Anne Claire Poirier, qui signe aussi la réalisation. Le film, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire, porte sur un sujet particulièrement tabou en 1979 : le viol des femmes. Julie Vincent, Germain Houde, Micheline Lanctôt et Monique Miller font partie de la distribution.

Le film est diffusé en avant-première au festival de Cannes en 1979. Il est aussi nominé dans la catégorie »Meilleure réalisation» lors du tout premier gala des prix Génie, en 1980. Ce film comporte des scènes difficiles, destinées à un public averti. Il est d’ailleurs lui aussi disponible gratuitement sur le site de l’ONF.

Extrait du film Mourir à tue-tête, réalisé par Anne Claire Poirier.
Crédit photo: Office national du film

Courts métrages et dernière collaboration avec Anne Claire Poirier

Au tournant des années 1980, Marthe Morisset-Blackburn travaille surtout sur des projets de courts métrages.

En 1979, les documentaires Azzel et Dominga s’intéressent respectivement à la sédentarisation et l’éducation des nomades au Niger, ainsi qu’à une communauté agricole en Bolivie.

La même année, elle joue le rôle de Mme Viau, mère de Cordélia Viau, incarnée par Louise Portal dans le film Cordélia, de Jean Beaudin.

En 1982, Marthe Morisset-Blackburn travaille une dernière fois avec Anne Claire Poirier sur un projet de fiction. Le film La Quarantaine raconte l’histoire d’un groupe d’amis qui se rencontrent après 30 ans de séparation.

Marthe Morisset-Blackburn collabore de nouveau avec Francine Desbiens en 1985, pour le scénario du film d’animation Ah! vous dirais-je maman!, qui s’articule autour des variations de Mozart.

L’année 1986 marque ensuite la sortie du documentaire Les Terribles Vivantes (disponible gratuitement). Il porte sur la vie de trois autrices québécoises féministes et controversées : Louky Bersianik, Jovette Marchessault et Nicole Brossard.

Finalement, en 1990, Marthe Morisset-Blackburn travaille pour une troisième fois avec Francine Desbiens, pour le court métrage d’animation Dessine-moi une chanson. Ce film met en scène les réactions d’un enfant lors d’une première rupture.

Le 4 octobre 1991, la scénariste s’éteint à l’âge de 75 ans, à Montréal, trois ans après le décès de son mari Maurice Blackburn.

On trouve chez Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) le Fonds Famille Blackburn Rochon. Celui-ci contient des archives de Maurice Blackburn, Marthe Morisset-Blackburn et Esther Rochon.

Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici vécut.

Sources

Assemblée nationale du Québec, «Alfred Morisset (1874-1952)», avril 2012.

BÉLANGER, Simon «Ici vécut : Maurice Blackburn, au 424, rue des Franciscains», Monmontcalm.com, 23 septembre 2023.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Famille Blackburn Rochon.

Canadian Theatre Encyclopedia, «La Nef des sorcières», Athabasca University, 26 janvier 2011.

Office national du film, À qui appartient ce gage ? (1973), Les filles du Roy (1974), Le temps de l’avant (1975), Dernier envol (1977), Azzel (1979), Cordélia (1979), Dominga (1979), Mourir à tue-tête (1979), La Quarantaine (1982), Ah! vous dirai-je, maman (1985), Les Terribles Vivantes – Louky Bersianik, Jovette Marchessault, Nicole Brossard (1986), Dessine-moi une chanson (1990).

Office national du film, «Maurice Blackburn».

POTVIN, Gilles, «Pirouette», L’Encyclopédie canadienne, 12 décembre 2013.

Le Soleil, «Triomphe de Mlle Morisset et de M. Drolet au débat mixte», 11 décembre 1940, p. 3.

Le Soleil, «Décès et avis divers – Morisset Blackburn (Marthe)», 8 octobre 1991, p. C-12.

Ville de Québec, «Morisset-Blackburn, Marthe – 1916-1991», Répertoire du patrimoine bâti.

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