Ici vécut : Saint-Georges Côté, au 436, rue Dolbeau

On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué à leur façon l'histoire de la Ville de Québec. Saint-Georges Côté (1918-1974) a marqué l'histoire de la radio à Québec, étant même considéré comme le père des lignes ouvertes.

<em>Ici vécut</em> : Saint-Georges Côté, au 436, rue Dolbeau | 27 avril 2024 | Article par Simon Bélanger

L’animateur radio Saint-Georges Côté a vécu à plusieurs endroits dans sa vie, dont le 436, rue Dolbeau, dans Montcalm. L’immeuble érigé en 1923 par Amédée Demers, selon les plans de l’architecte Adalbert Trudel, faisait partie des Habitations Manrèse. Il s’agissait d’un projet subventionné d’habitation évalué à 375 000$, d’abord destiné à offrir du logement aux populations ouvrières.

Crédit photo: Simon Bélanger -Monmontcalm + Les Archives du photographe, collection Jocelyn Paquet

On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué à leur façon l’histoire de la Ville de Québec. Saint-Georges Côté (1918-1974) a marqué l’histoire de la radio à Québec, étant même considéré comme le père des lignes ouvertes.

À Québec, avec le retour des Nordiques, le sujet qui fait sans doute le plus jaser depuis de nombreuses années est sans doute celui de la radio. D’André Arthur à Jeff Fillion, plusieurs animateurs ont contribué à créer une réputation aux chaînes de radio privée de la Capitale. «Radio-poubelles» pour certains, derniers remparts de la liberté d’expression pour d’autres.

Mais bien avant d’en arriver là, un certain Saint-Georges Côté a été un précurseur, étant même qualifié d’inventeur de l’animation radiophonique matinale  par l’historien Réjean Lemoine.

Saint-Georges Côté jouera aussi un rôle de premier plan dans le développement et l’animation des activités du Carnaval de Québec, en plus de répondre présent à de nombreuses demandes provenant d’organisations communautaires.

Saint-Georges Côté fut, à son époque, la vedette incontestée de la radio à Québec.

Jeunesse dans Limoilou et débuts dans les cabarets

Saint-Georges Côté voit le jour en 1918. Il habite avec sa famille sur la rue Lockwell, dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. Un an plus tard, la famille déménage au 22, rue des Chênes, dans le secteur Lairet de Limoilou.

Enfant, il fait ses études primaires à l’école des Soeurs de Saint-François-d’Assise, à Gros-Pin (ancien village faisant aujourd’hui partie de Charlesbourg). Saint-Georges Côté étudie ensuite au secondaire chez les Frères du Sacré-Coeur de Saint-François-d’Assise. Il se lance d’ailleurs dans le théâtre amateur à ce moment.

À la fin de l’adolescence, il redéménage du côté de la Haute-Ville. Il travaille comme chasseur à l’Hôtel Saint-Roch. Saint-Georges Côté tente ensuite sa chance comme maître de cérémonie dans les cabarets Chez Gérard et à la Page Blanche. I

Mais il souhaite se lancer en radio.

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Concours et morning man

Dans les années 1940, il existe essentiellement trois stations de radio à Québec. CHRC a une programmation davantage axée pour la famille, CKCV vise les jeunes, tandis que Radio-Canada attire les élites.

Saint-Georges Côté tente d’abord sa chance du côté de CHRC, mais le patron J.-Narcisse Thivierge lui refuse un emploi.

En 1940, il participe ensuite au concours «On demande un annonceur», organisé par la station CKCV. C’est ainsi que Saint-Georges Côté amorce sa carrière sur les ondes radiophoniques.

Il présente l’émission Marathon musical, avant d’être engagé sur une base régulière comme animateur.

Saint-Georges Côté était reconnu pour «sa voix prenante», mais aussi pour son franc-parler et ses méthodes colorées pour parler d’actualité. Il se fait connaître comme le premier morning man au Canada.

De plus, dans les années 1940, il utilise le téléphone en onde pour parler aux différents décideurs. Il peut même appeler le maire de Québec pour l’informer d’un problème d’aqueduc dans la ville.

Puis, lors du réveillon de Noël, Saint-Georges Côté ouvrait les lignes pour lui parler directement, ce qui permettait à des gens seuls de sortir un peu de leur solitude.

Publicités, mobilisation et carnaval

Les habitués de la radio parlée à Québec savent que les animateurs font aussi eux-mêmes les publicités pour les différents annonceurs. C’était la même chose pour Saint-Georges Côté. Celui-ci a notamment fait de la publicité pour les viandes Bilopage, 7-Up, Montcalm Automobiles et JB Laliberté.

Il a aussi mobilisé la population de Québec autour de diverses initiatives, afin d’aider les gens dans le besoin. Saint-Georges Côté participe à deux dépouillements d’arbres de Noël en 1953. Plus de 25 000 bas de Noël sont notamment distribués et de nombreux enfants reçoivent des jouets.

En 1955, il organise le premier radiothon de Québec. Il invite alors la population à faire des dons au profit des personnes aveugles. La cagnotte amassée est alors de 110 000$. L’année suivante, le Club Kiwanis-Sillery veut équiper les filles de l’Hospice Saint-Charles, à Cap-Rouge, de maillots de bain. Il plaide en leur faveur à cinq reprises pendant son émission et 315 maillots sont envoyés à l’établissement.

Il répond aussi présent quand son vieil ami, le Père Raymond Bernier, responsable des paroisses de Saint-Sauveur et de Saint-Malo, lui demande un coup de main.

Finalement, le Carnaval de Québec représente également un élément important dans la vie de Saint-Georges Côté. Lors du lancement de l’événement en 1954, il n’était dans aucun comité, mais s’est impliqué bénévolement à de multiples occasions. Il organise notamment un bal populaire costumé au Colisée et une course de tacots dans la côte Saint-Sacrement. Saint-Georges Côté est aussi le premier à présenter les Duchesses à la télévision.

Course de tacots pendant le Carnaval de Québec.
Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Faire découvrir des vedettes

Pendant une bonne partie de sa carrière, Saint-Georges Côté a contribué à faire découvrir des vedettes de la chanson au public d’ici, mais aussi à lancer des carrières.

Alors qu’il agit comme maître de cérémonie dans les cabarets, il introduit des grands noms de la chanson française, comme Charles Trenet, Gilbert Bécaud ou Charles Aznavour.

Saint-Georges Côté contribue aussi à faire connaitre des voix d’ici. L’exemple le plus patent est sans doute celui de Michel Louvain, interprète de La Dame en bleu. Le chanteur de charme a lui-même reconnu que sa carrière a pris un nouveau tournant après avoir bénéficié de la publicité offerte par Saint-Georges Côté.

Par ailleurs, en plus des cabarets et de la radio, Saint-Georges Côté a aussi été annonceur à la télévision.

Charles Aznavour (au centre) en compagnie de Saint-Georges Côté (à droite).
Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Polémique et politique

Pendant sa carrière radiophonique, Saint-Georges Côté n’a pas échappé à la controverse.

En 1957, il est suspendu un mois par la station, après une blague effectuée à propos des parties intimes de la reine Élizabeth II.

Par ailleurs, dans un article publié en 2002 dans Le Soleil, André Arthur affirmait également que «l’animateur avait un manque de respect extraordinaire pour les politiciens en général et pour la famille du politicien Émilien Rochette en particulier». Rochette a été député de l’Union nationale de 1956 à 1960.

Comme André Arthur, Saint-Georges Côté a quand même tenté de traverser la barrière, en tentant de se faire élire député. Il se présente sous la bannière libérale avec Jean Lesage, lors des élections provinciales de 1962.

Il sera toutefois défait par un écart d’environ 700 voix. Saint-Georges Côté a vécu toutes sortes de difficultés durant la campagne, ayant été notamment victime de vandalisme.

À partir de ce moment, sa vie n’est plus la même. Il développe une dépendance à l’alcool et finit par perdre son emploi à CKCV. Il travaille également au réseau télévisé TELE-4 et à la radio de Lévis CFLS.

Saint-Georges Côté sombre un peu dans l’oubli pour le reste de sa vie. Ses dernières années sont vécues dans un appartement du chemin Sainte-Foy.

Il meurt d’un cancer généralisé le 4 mai 1974, à l’Hôpital Laval, à l’âge de 55 ans.

Postérité

Il peut être évidemment difficile de comparer les époques dans le monde de la radio. André Arthur se réclamait de son héritage, mais une recherche sur Saint-Georges Côté nous rappelle quand même que le «Prince des annonceurs» n’est pas allé aussi loin dans ses propos que le «Roi des ondes».

Reste que Saint-Georges Côté a inventé une façon de faire de la radio à Québec, qui persiste à différents niveaux, notamment dans la façon de faire la publicité.

Sa conjointe de l’époque, Jacqueline Bienvenue-Côté, a publié en 1983 un ouvrage consacré à Saint-Georges Côté. Intitulé Saint-Georges Côté – Un géant parmi les grands, il revient sur la carrière et la vie de l’animateur. Le livre est écrit en collaboration avec Ghislaine Delisle et Robert M. Béliveau.

De plus, le nom de Saint-Georges Côté est officiellement inscrit dans la toponymie de la Ville de Québec. Une rue Saint-Georges Côté est effectivement présente dans le quartier Vieux-Moulin, dans l’arrondissement Beauport, tout près de la frontière avec le quartier Maizerets.

Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici Vécut. La fiche de celle de Saint-Georges Côté contient une capsule sonore de l’historien Réjean Lemoine et quelques photos.

Sources

CHASSÉ, Louis, «Adieu, vieil ami!», À propos, 5 mai 1974, p. 3.

Commission de toponymie du Québec, «Rue Saint-Georges Côté».

CORRIVAULT, Martine, «Il fallait être un peu fou pour faire et aimer ce métier, n’est-ce pas St-Georges?», Le Soleil, 6 mai 1974, p. 32.

DESGAGNÉ, Roch, «Vive Saint-Georges Côté!», Le Soleil, 28 novembre 1981, p. B-3.

HOULE, Nicolas, «Michel Louvain – Québec Love», Le Soleil, 24 septembre 2007, p. A-1 et A-5.

LAVOIE, Kathleen, «Des petites terreurs très populaires», Le Soleil, 17 février 2022, p. A-7.

LEMIEUX, Louis-Guy, «La vraie mort de Saint-Georges Côté», 14 janvier 2003, p. A-9.

LEMOINE, Réjean, «Saint-Georges Côté (1918-1974) : le Prince des annonceurs», Monlimoilou, 1er novembre 2010.

ROY, François, «Quand la télé “vidait” les rues de Québec – Saint-Georges, les Plouffe, la lutte, Liberace… et Ed Sullivan», Le Soleil, 12 novembre 1983, Supplément 1, p. 4-5.

«Saint-Georges Côté – Le prince des annonceurs », https://ckcv1280quebec.com/Saintgeorgesindex.html

Ville de Québec, «Fiche d’un bâtiment patrimonial – Habitations Manrèse», Répertoire du patrimoine bâti.

Ville de Québec, «Saint-Georges Côté», Plaques Ici vécut.

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