Yahndawa’ : ce que nous sommes : une autofiction plus grande que nature

Il peut être aisé de juger du passé en le regardant au travers de la lorgnette du présent. Il s’agit d’un piège dans lequel Marie-Josée Bastien a évité de tremper sa plume pour créer cette saga familiale, formidable et nécessaire, qu’est Yahndawa’ : ce que nous sommes.

<em>Yahndawa’ : ce que nous sommes</em> : une autofiction plus grande que nature | 9 novembre 2024 | Article par Hélène Laliberté

La pièce Yahndawa’ ce que nous sommes est présentée au Grand Théâtre de Québec jusqu’au 30 novembre 2024.

Crédit photo: Stéphane Bourgeois

Il peut être aisé de juger du passé en le regardant au travers de la lorgnette du présent. Il s’agit d’un piège dans lequel Marie-Josée Bastien a évité de tremper sa plume pour créer cette saga familiale, formidable et nécessaire, qu’est Yahndawa’ : ce que nous sommes.

« Il faut écrire un texte comme on tisse », relate la narratrice du récit, incarnée sur scène par l’autrice elle-même. C’est précisément ce qui nous est offert dans cette œuvre dramatique qui déploie ses fils et ses nœuds pour tresser un panorama générationnel qui s’écoule comme une descente de canot avec ses méandres, ses remous, ses stations et ses paysages changeants.

Un siècle d’histoire huronne-wendat

Cette histoire est celle des « Bastien » de Wendake, qui débute dans un futur pas trop lointain, mais frappée de plein fouet par les changements climatiques et les pluies torrentielles. Agnolien (Andawa Laveau) qui lutte contre les débordements de yahndawa’, la rivière nourricière, y fait la rencontre de son ancêtre, Ludger Bastien (Charles Bender), tiré de son cercueil par l’inondation. Le récit de l’autrice, qui prend racine dans les annales de sa famille et de son peuple, puise également à l’encre de la fiction pour concocter, sur le ton de la résilience, une œuvre dramaturgique captivante, constellée de réalisme magique et pimentée d’un humour enveloppant.

Bien que tous·tes les comédien·ne·s de la pièce interprètent plusieurs rôles, chacun·e endosse le costume d’un des membres de la famille Bastien. En plus de Ludger, le bisaïeul, et d’Agnolien, son arrière-arrière-arrière-petit-fils, on retrouve, à différentes étapes de leur existence, l’arrière-arrière-grand-père, Armand (Marco Poulin), l’arrière-grand-mère Adèle (Andrée Lévesque Sioui), la grand-mère Elizabeth (Marie-Josée Bastien) et sa fille Yandicha (Océane Kitura Bohémier-Tootoo). Ces personnages sont accompagnés par les « bienveilleuses » – inspirées des trois sœurs de l’agriculture autochtone – qui les interpellent, les guident et portent en elles la mémoire du patrimoine et les clés de la tradition.

Une scénographie peuplée d’images

Sur une scène presque dénudée, outre de larges bandes de tissus tissés tombant des cintres où sont projetées les eaux tumultueuses de la chute Kabir Kouba et une banderole de ce magnifique tissage qui serpente sur le plateau pour représenter la rivière, les acteur·rice·s évoluent avec une puissante sincérité, aspirant le public dans l’univers du récit par l’authenticité de leur jeu.

Le décor concocté par Sébastien Dionne permet de multiplier les photographies et les vidéos (Marilyn Laflamme) des événements de l’histoire qui ont marqué le Québec et qui ponctuent la narration : l’expansion du réseau d’aqueduc de la Ville de Québec, la Seconde Guerre mondiale, la Révolution tranquille, les grands barrages hydroélectriques, Expo 67, la tempête de verglas, la défense des droits des femmes autochtones, etc.

L’évolution de la vie de cette Première Nation est également présente au travers des costumes (Églantine Mailly) et des accessoires (Eveline Tanguay) portés et manipulés par les personnages. Du complet veston-cravate de Ludger dont le combat consiste à affronter les Blancs sur leur propre terrain pour, à ses dires, favoriser le développement de sa communauté, à la regalia que Yandicha fabrique pour, parée de cet habit traditionnel, se réapproprier la danse, la langue et les coutumes de ses ancêtres, on assiste à l’émancipation d’un peuple successivement appelé Indiens, Amérindiens, puis Autochtones.

Une mise en scène respectueuse du récit

Il y aurait encore beaucoup à écrire sur cette œuvre mise en scène avec lucidité et bienveillance par Véronika Makdissi-Warren. Elle a su insuffler vie à l’univers de ce texte en attirant avec délicatesse l’attention sur la fierté et l’humanité, la force et la douleur des protagonistes qui, malgré les aléas du destin, continuent à vivre, à rêver et aussi à se réjouir. Les éclairages nuancés de Nyco Desmeules et la musique discrète, mais toujours pertinente, de Joseph Sarenhes font également partie de la réussite de cette pièce.

L’autofiction Yahndawa’ : ce que nous sommes est une coproduction du Théâtre du Trident, de la compagnie de théâtre autochtone basée à Montréal, Menuentakuan, et du Théâtre Niveau Parking de Québec. Comme la triade des « bienveilleuses », ce trio d’expertises théâtrales a su donner à ce spectacle plus grand que nature toute sa richesse et sa justesse.

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La pièce Yahndawa’ : ce que nous sommes est présentée à la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec jusqu’au 30 novembre 2024. Les billets sont en vente à cette adresse : https://www.letrident.com/piece/yahndawa-ce-que-nous-sommes/

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